Si ses athlètes sont rentrés bredouilles des Jeux olympiques d'hiver, la Corée du Nord mérite une médaille d'or pour ses talents de diplomate, soulignent les analystes, qui préviennent cependant que la détente pourrait être de courte durée.

Défilé des deux Corées sous la bannière de l'unification, poignée de main historique entre le président sud-coréen et la soeur du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, les JO de PyeongChang ont été l'occasion d'un rapprochement intense entre les deux voisins.

Le Nord a dépêché 22 athlètes aux JO, dont la plupart n'ont guère brillé. L'équipe unifiée de hockey sur glace féminin a perdu chacun de ses cinq matches, marquant deux buts contre 28 encaissés.

Mais, font remarquer les analystes, les JO d'hiver n'ont jamais été une affaire de médailles pour Pyongyang.

« C'était une question d'image », dit à l'AFP Koo Kab-woo, professeur à l'Université des études nord-coréennes. « Ils ont prouvé qu'ils n'étaient pas un État voyou tout en contournant les sanctions ».

Les tensions entre les deux Corées ont atteint des sommets en 2017. Le Nord a tiré des missiles capables d'atteindre le territoire continental des États-Unis et mené son plus puissant essai nucléaire à ce jour tandis que le président américain Donald Trump et M. Kim échangeaient insultes personnelles et menaces apocalyptiques.

Après avoir longtemps tergiversé sur sa participation aux JO, le Nord a envoyé au Sud quelque 200 meneuses de claque en plus de ses sportifs. Elles ont arpenté tout sourire les sites des compétitions, devenant un centre d'attraction pour de nombreux spectateurs.

« Diplomates brillants »

Quand les hockeyeuses nord et sud-coréennes se sont prises dans les bras, les larmes aux yeux, à l'issue de leur dernier match, de nombreux admirateurs ont été émus malgré l'opposition initiale rencontrée au Sud par cette équipe unie.

Mais le point d'orgue de l'offensive de charme nord-coréenne fut la venue au Sud pour la cérémonie d'ouverture de Kim Yo Jong, la petite soeur de M. Kim - première visite d'un membre de la dynastie régnante de Pyongyang depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.

« C'était la personne parfaite pour porter un message et c'est exactement ce qu'elle a fait », commente Andrei Lankov, professeur à l'Université Kookmin. « Elle a invité le président Moon Jae-in à un sommet avec un large sourire », poursuit-il. Elle a fait bonne impression, « exactement ce que les Nord-Coréens souhaitaient ». « Ce sont des diplomates brillants, ils sont archirationnels, certains sont cyniques, très machiavéliques, et en général réussissent très très bien ».

Pour l'heure, M. Moon n'a cependant pas accepté l'invitation du Nord à se rendre à Pyongyang.

Mais, souligne M. Lankov, « le problème principal n'est pas entre les deux Corées, il est entre la Corée du Nord et les États-Unis. Des discussions même longues entre les deux Corées ne feraient pas bouger énormément les lignes ».

M. Moon a rencontré pendant une heure dimanche le général nord-coréen Kim Yong-chol qui, d'après Séoul, a exprimé le souhait de Pyongyang de discuter avec Washington.

Le Nord dit depuis longtemps qu'il est prêt au dialogue avec Washington, mais sans conditions. Sa position sur l'arme atomique, « l'épée chérie » dont il dit avoir besoin pour se défendre contre le risque d'invasion américaine, n'a pas changé.

« Impasse »

En réponse, la Maison-Blanche a répété que Pyongyang devait au préalable prendre des mesures concrètes en vue de la dénucléarisation.

« En attendant, les États-Unis et le monde doivent continuer de faire comprendre que les programmes nucléaire et balistique de la Corée du Nord sont une impasse ».

Kim Yo Jong n'a eu aucune interaction avec le vice-président américain Mike Pence à la cérémonie d'ouverture le 9 février. D'après Washington, une réunion prévue le lendemain entre délégations américaine et nord-coréenne a été annulée à la dernière minute par Pyongyang.

De la même manière, la fille de Donald Trump, Ivanka, n'a pas communiqué avec le général Kim à la cérémonie de clôture dimanche.

Les États-Unis viennent d'imposer de nouvelles sanctions unilatérales au Nord, les plus dures à ce jour d'après M. Trump.

Les deux parties n'entendent rien céder sur l'essentiel et les fondamentaux n'ont pas varié. « C'est juste une espèce de relaxation, qui devrait être suivie par une nouvelle escalade, vraisemblablement très bientôt, à partir de début avril », dit M. Lankov.

C'est alors que les États-Unis et la Corée du Sud doivent tenir des exercices militaires conjoints qui avaient été reportés pour cause de JO. Ces manoeuvres ne manquent jamais de courroucer le Nord.

« Le problème c'est ce qu'il se passe après PyeongChang », résume M. Koo.