Les États-Unis ont renouvelé jeudi leurs pressions sur la Chine afin qu'elle coupe ses livraisons de pétrole à la Corée du Nord après son dernier tir de missile, mais la Russie a dénoncé des «provocations» américaines visant à faire sortir Kim Jong-Un de ses gonds.

«Je pense que les Chinois font déjà beaucoup, mais nous pensons aussi qu'ils peuvent faire plus avec le pétrole. Nous leur demandons vraiment de couper davantage les livraisons de pétrole», a déclaré le secrétaire d'État américain Rex Tillerson au lendemain d'un appel similaire lancé par l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU Nikki Haley devant le Conseil de sécurité.

«Couper l'approvisionnement en pétrole, c'était l'arme la plus efficace la dernière fois que les Nord-Coréens sont venus à la table des négociations», a plaidé le ministre en recevant son homologue allemand Sigmar Gabriel qui a, de son côté, annoncé une réduction du personnel diplomatique allemand à Pyongyang pour renforcer la «pression» contre ses ambitions nucléaires.

Comme à chaque essai balistique ou nucléaire nord-coréen, l'administration de Donald Trump a soufflé le chaud et le froid après le tir mercredi d'un missile intercontinental capable, selon le régime de Kim Jong-Un, de frapper n'importe où aux États-Unis.

Rex Tillerson a assuré que les «options diplomatiques» restaient «sur la table, pour l'instant», mais Nikki Haley a menacé de «détruire complètement» le pays reclus en cas de guerre. Surtout, tout en saluant les efforts déjà accomplis par Pékin, Washington semble une fois de plus compter sur les Chinois pour tordre plus fermement le bras des Nord-Coréens, dont ils restent les principaux partenaires.

Et le président américain a de nouveau exprimé sa frustration jeudi face au peu de résultats de cette stratégie.

«L'émissaire chinois, qui vient de rentrer de Corée du Nord, semble n'avoir eu aucun impact sur le petit homme-fusée», a déploré le milliardaire républicain dans un tweet matinal, en utilisant le quolibet dont il affuble régulièrement Kim Jong-Un, même si mercredi il avait innové en le comparant à un «jeune chien enragé».

«Difficile de croire que son peuple et son armée supportent de vivre dans des conditions aussi horribles», a-t-il ajouté, alors que son gouvernement ne cesse d'affirmer que les États-Unis ne sont pas en quête d'un changement de régime à Pyongyang, mais seulement de sa dénucléarisation.

Portée de 13 000 km

Le locataire de la Maison-Blanche a relevé que la Russie et la Chine, qui ont voté les deux derniers trains de sanctions à l'ONU malgré des réticences, avaient condamné ce dernier tir.

Mais l'appel américain à de nouvelles sanctions pour isoler encore plus la Corée du Nord a été rejeté fermement par Moscou et ignoré par Pékin, qui reste réticent à un embargo pétrolier intégral susceptible de provoquer l'effondrement de son voisin, un afflux de réfugiés en Chine voire une intervention militaire américaine à sa frontière.

Interrogé jeudi sur l'idée d'un embargo, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères s'est borné à répéter que la Chine soutenait les résolutions de l'ONU et militait pour une dénucléarisation de la péninsule coréenne.

La Russie a, elle, été plus ferme.

«Nous avons à plusieurs reprises souligné que la pression des sanctions est épuisée et que toutes ces résolutions qui ont imposé des sanctions impliquaient nécessairement de reprendre un processus politique et de reprendre les négociations», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

«Les Américains ignorent cette exigence, c'est une grosse erreur», a-t-il jugé.

Selon lui, «les récentes actions des États-Unis semblent avoir été dirigées délibérément pour provoquer des actions brusques de Pyongyang». «Il semble que tout a été fait pour s'assurer que Kim Jong-Un sorte de ses gonds», a encore dénoncé le ministre.

Le tir du missile nord-coréen le plus sophistiqué à ce jour constitue un camouflet pour Donald Trump qui avait exclu que la Corée du Nord parvienne à développer de telles capacités.

Selon l'agence officielle nord-coréenne KCNA, le missile lancé mercredi, un ICBM Hwasong-15, est équipé d'une ogive lourde extralarge.

D'après Pyongyang, l'engin a atteint une altitude de 4475 kilomètres avant de s'abîmer à 950 kilomètres du site de lancement. Sa trajectoire en cloche, à la verticale, suggère qu'il avait en fait une portée de 13 000 kilomètres, suffisante pour frapper partout aux États-Unis, estiment certains spécialistes.

«L'Europe comme les États-Unis sont certainement à la portée de ces tirs» auxquels «peu de villes occidentales échapperaient», a observé la ministre française de la Défense, Florence Parly, appelant à une issue «diplomatique».

Pyongyang doit encore démontrer qu'il maîtrise la technologie de rentrée des ogives dans l'atmosphère depuis l'espace. Mais les spécialistes estiment que la Corée du Nord est au moins sur le point de développer une capacité de frappe intercontinentale opérationnelle.