L'Australie a appelé mercredi des centaines de réfugiés apeurés à quitter un camp de rétention controversé sur une île de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les conditions de vie se dégradaient dans un climat de tensions.

La justice de Papouasie a jugé l'an dernier anticonstitutionnelle la détention de réfugiés sur l'île de Manus et Canberra avait accepté de fermer le camp, où se trouvent plus de 600 hommes, avant la fin octobre.

Les autorités locales devaient prendre le contrôle du camp mardi. Les réfugiés ont été priés de se rendre dans trois centres de «transition» dans la localité voisine de Lorengau.

Mais bon nombre d'entre eux se sont barricadés sur le site, craignant pour leur sécurité dans un climat d'hostilité émanant de certains habitants.

La semaine dernière, Human Right Watch avait tiré la sonnette d'alarme, déclarant que des réfugiés avaient été «poignardés, battus et volés» à l'approche de la date-butoir pour la fermeture prévue des lieux.

Le personnel du camp a quitté le site mardi. L'eau, l'électricité et les vivres ont été coupées, selon les défenseurs des droits des migrants. Des médias ont fait état de pillages.

Le réfugié iranien Behrouz Boochani, qui a introduit un recours devant la Cour suprême de Papouasie pour tenter d'empêcher la fermeture du camp, a déclaré sur Twitter que tout le monde avait peur après une nuit sans sommeil.

«Il n'y a ni eau, ni électricité, ni vivres. Même les toilettes ne fonctionnent pas», a-t-il déclaré. «Les gens se rassemblent dans le stress. À tout moment, nous nous attendons à être attaqués».

Canberra mène une politique extrêmement dure vis-à-vis des migrants qui tentent de gagner ses côtes, en les reléguant dans des camps sur Manus ou dans le micro-État insulaire de Nauru.

L'Australie justifie sa politique au nom de la lutte contre les gangs de passeurs et de la nécessité de dissuader les migrants - dont bon nombre viennent d'Iran, d'Irak, de Somalie ou d'Afghanistan - de tenter la périlleuse traversée vers ses rivages.

«Abus des droits de l'Homme»

Elle n'accepte aucun boat-people sur son sol, même ceux qui remplissent les critères du droit d'asile.

Canberra propose aux réfugiés de tenter de s'installer définitivement en Papouasie, d'être transférés vers le centre de rétention de Nauru, d'être relocalisés dans un pays tiers comme le Cambodge ou de rentrer dans leur pays.

L'Australie avait aussi trouvé un accord avec l'administration Obama pour que certains soient accueillis aux États-Unis. Mais seuls 54 à ce stade ont été officiellement acceptés, dont seulement 24 ont déjà été accueillis.

Le sénateur vert australien Nick McKim, présent sur Manus, a déclaré que les centres de «transition» n'était pas prêts, ce qui lui a valu une réponse virulente du ministre de l'Intérieur, Peter Dutton.

Celui-ci a accusé le sénateur de répandre des fausses informations, ce à quoi M. McKim a rétorqué en accusant M. Dutton d'être un «violeur des droits de l'Homme en série». «C'est moi qui suis en fait sur place», a-t-il déclaré au groupe de médias ABC. «Je suis prêt à mettre en jeu ma crédibilité politique à tout moment contre la crédibilité d'un monstre comme Peter Dutton».

La veille, M. Dutton avait répété que les réfugiés n'étaient pas les bienvenus en Australie: «Ces gens ont tenté de contourner les lois australiennes en payant des passeurs pour entrer illégalement en Australie par bateau. Aucun d'entre eux ne sera jamais relocalisé ici».

La ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, a appelé les réfugiés de Manus à partir, disant que cela n'avait «aucun sens» de rester.

«Les lieux d'accueil alternatifs (...) offrent tous les services essentiels, y compris l'eau, l'électricité, l'alimentation et les fournitures médicales», a-t-elle dit sur Sky News.

Le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée est «chargé de la loi, de l'ordre et de la sécurité et je pense qu'ils ont la situation en main», a-t-elle ajouté.

Le ministre de l'Immigration de Papouasie, Petrus Thomas, a tenu à rassurer ceux qui craignent que les réfugiés refusant de partir seraient évacués par la contrainte.

«Nous n'allons pas déloger les réfugiés par la force, il va y avoir un mouvement volontaire», avait-il déclaré mardi au journal Post-Courier.