Moon Jae-In, un ancien avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a confortablement remporté l'élection présidentielle sud-coréenne mardi, selon un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote, scellant l'élan de son pays vers le changement après un retentissant scandale de corruption.

Ce scrutin anticipé, organisé sur fond de fortes tensions avec la Corée du Nord, a été organisé pour remplacer l'ex-présidente Park Geun-Hye, au centre d'une énorme affaire de concussion qui a provoqué sa chute.

De nombreux électeurs en ont profité pour dire leur colère face à la corruption d'une partie des élites, mais aussi à la vie chère, à l'augmentation du chômage et au ralentissement de la croissance.

Selon un sondage effectué à la sortie des bureaux de vote, M. Moon, le candidat du Parti démocratique de centre gauche favorable à une forme de dialogue avec Pyongyang, a obtenu 41,4 % des voix.

«Je serai le président de tous les Sud-Coréens», s'est-il peu après exclamé devant ses partisans sur la place Gwanghwamun à Séoul où des millions de Sud-Coréens s'étaient massés plusieurs mois durant pour exiger le départ de Park Geun-Hye.

«C'est une grande victoire (...) pour créer un pays de justice (...) où les règles et le bon sens prévalent», a-t-il encore dit.

«Je suis si heureuse, car il y a de l'espoir pour un réel changement», a quant à elle réagi une femme de 28 ans présente dans la foule, Koh Eun-Byul.

Kul Sun-Chul, 59 ans, a de son côté expliqué avoir voté pour M. Moon car «ce pays a besoin de rétablir la démocratie qui a été tant laminée par le gouvernement Park».

Le conservateur Hong Joon-Pyo, issu du parti de la présidente déchue, est arrivé loin derrière avec 23,3 % des suffrages, suivi du centriste Ahn Cheol-Soo avec 21,8 %.

M. Moon, 64 ans, a expliqué à son équipe de campagne réunie au quartier général de son parti que son triomphe était le résultat d'une volonté de «changement de régime» de la part de la population.

La participation a tourné autour de 77,2 %, selon des chiffres préliminaires.

Désamorcer les tensions avec le Nord

La campagne s'est largement focalisée sur l'économie, la Corée du Nord étant passée à l'arrière-plan. Mais après 10 ans de règne conservateur, la victoire de M. Moon pourrait signifier un changement considérable de politique vis-à-vis de Pyongyang et de l'allié et protecteur américain.

M. Moon prône le dialogue avec la Corée du Nord afin de désamorcer les tensions et de l'inciter à négocier. Il veut aussi plus de distance avec Washington.

Dans un récent entretien avec le Washington Post, il estimait que Séoul devait «jouer un rôle de meneur sur les questions concernant la péninsule coréenne».

Le Nord, qui rêve de mettre au point un engin atomique capable d'atteindre le continent américain, a procédé à deux essais nucléaires depuis début 2016 et à de multiples tirs de missiles.

Les tensions ont rarement été aussi élevées dans la péninsule. Le président américain Donald Trump a menacé de régler la question par la force militaire avant d'adoucir le ton et de dire qu'il serait «honoré» de rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un.

Le candidat conservateur Hong Joon-Pyo avait, pour sa part, exhorté les électeurs à se ranger derrière lui, qualifiant le favori de «gauchiste pro-Pyongyang».

Chung Tae-Wan, un médecin de 72 ans, a à cet égard «voté pour Hong, car la sécurité vis-à-vis de la Corée du Nord est la chose la plus importante».

Mais pour la plupart des Sud-Coréens, habitués à vivre avec la menace nord-coréenne, la question des programmes balistique et nucléaire de Pyongyang n'est pas déterminante dans leur vote.

Tourner la page

La corruption, le ralentissement de la croissance et le chômage sont en effet apparus comme les enjeux majeurs.

Cette présidentielle doit permettre à la société sud-coréenne de tourner la page après des mois de tumulte politique, cependant que Mme Park attend désormais derrière les barreaux d'être jugée pour corruption et abus de pouvoir.

L'affaire a contribué au ressentiment général en illustrant à nouveau les relations malsaines entre la classe politique et le patronat.

En cause notamment, une confidente de l'ombre de l'ex-présidente, Choi Soon-Sil, accusée d'avoir profité de ses entrées pour extorquer des dizaines de millions de dollars aux grands groupes.

L'ampleur du scandale, qui implique aussi l'héritier de l'empire Samsung et le président de Lotte, cinquième plus grand conglomérat sud-coréen, a contraint les candidats à promettre des réformes en vue de plus de probité.

Mais en raison de leur poids dans l'économie, les «chaebols» - les grands conglomérats sud-coréens - sont presque intouchables.

Le puissant voisin chinois s'est aussi invité dans la campagne.

Le déploiement en Corée du Sud d'un bouclier antimissile américain destiné à contrer les menaces du Nord a provoqué la fureur de Pékin, qui a pris une série de mesures vues à Séoul comme des représailles économiques.