Aux termes d'un traité de 1961, la Chine est censée voler au secours de la Corée du Nord en cas d'attaque contre son petit voisin. Mais compte tenu du programme nucléaire de Pyongyang, le soutien militaire de Pékin pourrait s'avérer tout sauf automatique.

Quelque 150 000 soldats chinois ont péri pour défendre le voisin communiste pendant la guerre de Corée, entre 1950 et 1953. Deux pays «aussi proches que les lèvres et les dents», comme l'avait affirmé le dirigeant chinois Mao Tsé-toung.

Mais 56 ans après la signature du «Traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle», Pékin dénonce les essais nucléaires et de missiles de Pyongyang et a voté les sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord.

Alors que l'administration américaine du président Donald Trump a affirmé que l'option militaire était «sur la table» face à la dynastie des Kim, Pékin ne semble pas prêt à s'engager à défendre le régime nord-coréen.

Si le traité constitue «une part très importante» de la relation entre les deux pays, ce que la Chine pourrait faire en cas de conflit demeure «un mystère», assure à l'AFP le professeur Maochun Miles Yu, de l'École navale des États-Unis.

L'article II du traité stipule bien que si l'un des deux pays se retrouve en état de guerre à la suite d'une attaque par une tierce partie, l'autre lui «apporte une aide militaire avec tous les moyens à sa disposition».

Mais l'article I précise aussi que les contractants doivent s'efforcer de «préserver la paix de l'Asie et du monde et la sécurité de tous les peuples» -- une disposition qui pourrait fournir un argument tout trouvé à Pékin pour ne pas intervenir, en invoquant le comportement belliqueux du régime de Kim Jong-Un.

«Il est difficile de prédire comment la Chine viendrait au secours de la Corée du Nord en cas de guerre, à partir du moment où ce pays met au point des armes nucléaires, ce qui constitue peut-être déjà une entorse au traité entre les deux pays», relève le colonel Li Jie, en retraite de la marine chinoise, interrogé par le quotidien de Hong Kong South China Morning Post.

La presse officielle chinoise ne dit pas autre chose: «Le programme nucléaire de la Corée du Nord réduit la propre sécurité de ce pays ainsi que celle de la région et compromet la sécurité nationale de la Chine», dénonce jeudi le quotidien Global Times, laissant entendre que l'alliance ne tient plus: «La situation a beaucoup changé depuis le renouvellement du traité en 2001».

Prochain renouvellement en 2021

Côté nord-coréen, le ton n'est guère plus amène: Pyongyang «ne mendiera jamais le maintien de l'amitié de la Chine en mettant en péril son programme nucléaire, qui est aussi précieux pour elle que sa propre vie», affirmait mercredi l'agence officielle KCNA.

Le court traité de sept articles doit être prorogé tous les 20 ans, le prochain renouvellement étant prévu en 2021. Kim Jong-Un et le président chinois Xi Jinping ont échangé des messages l'an dernier pour marquer le 55e anniversaire du document, mais les deux hommes ne se sont jamais rencontrés.

Dans une tribune publiée le mois dernier, le Global Times, connu pour son nationalisme virulent, assurait que Pékin devrait «mener immédiatement une nécessaire intervention militaire» si Washington et Séoul tentaient d'envahir la Corée du Nord.

Mais la Chine se garderait d'intervenir si les États-Unis se contentaient de «frappes chirurgicales» contre les installations balistiques nord-coréennes, ajoutait aussitôt le journal.

Interrogé mardi sur le point de savoir si la Chine se considérait toujours engagée par le pacte, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, n'a pas répondu directement. «Nous appelons toutes les parties au calme et à s'abstenir de tout geste qui pourrait augmenter la tension», a-t-il simplement déclaré.

Pour le professeur Young-June Chung, de l'Université Tongji à Shanghai, «le statut diplomatique du traité est un peu obscur», même si aucune des deux parties ne l'a dénoncé. Mais Pékin «ne sacrifiera pas sa relation avec les États-Unis et la Corée du Sud pour (protéger) la Corée du Nord», assure le chercheur.