Un nouvel attentat à la bombe a frappé jeudi Lahore, capitale culturelle du Pakistan, tuant au moins huit personnes et faisant encore monter la tension et le malaise dans le pays après deux semaines noires.

Il s'agit du 10e attentat ou événement violent à frapper le Pakistan en onze jours. Au moins 136 personnes ont été tuées au cours de cette période, selon un décompte de l'AFP.

L'explosion s'est produite dans le quartier chic de Defence Housing Authority, réputé pour ses boutiques et ses cafés haut de gamme. Elle a ravagé un immeuble en cours de réfection et soufflé les vitres des voitures garées à proximité.

Le dernier bilan est de huit morts et 28 blessés, selon la ministre provinciale de la Santé, Khawaja Salman Rafique.

Imtiaz Ali, un coiffeur âgé de 34 ans, travaillait dans un bâtiment situé en face du lieu de l'explosion lorsqu'elle s'est produite.

«Lorsque je suis sorti, au début je n'ai vu que de la fumée et de la poussière. Et après, mon Dieu, j'ai vu tellement de corps. Des motos retournées. Des voitures détruites (...) Je n'étais pas loin de m'évanouir», a-t-il dit à l'AFP.

«Cela s'est passé à une heure d'affluence. Il y a des enfants qui mendient là, il y a toujours beaucoup d'activité», a-t-il ajouté. «La police ne fait pas du bon boulot pour ce qui est de contrôler les gens ou les motos», a-t-il déploré.

L'attaque n'a pas été revendiquée dans l'immédiat. La plupart de celles des précédents jours l'avaient été par les talibans pakistanais (TTP) et la plus meurtrière, celle d'un sanctuaire soufi dans le sud (au moins 90 morts), par le groupe djihadiste État islamique (EI).

Lahore elle-même avait déjà été frappée par un attentat-suicide taliban le 13 février, au cours duquel 14 personnes avaient péri.

Opération de l'armée

La nouvelle attaque intervient au lendemain de l'annonce par l'armée pakistanaise du lancement d'une opération antiterroriste dans l'ensemble du pays.

«L'armée pakistanaise lance l'opération "Radd-ul-Fassad" (élimination de la violence) dans l'ensemble du pays», a-t-elle annoncé à l'issue d'une réunion à Lahore présidée par le chef de l'armée, le général Qamar Javed Bajwa.

L'objectif est d'«éliminer toutes les menaces résiduelles et latentes de terrorisme, consolider les gains des opérations précédentes et renforcer la sécurité des frontières», a indiqué l'armée sans fournir de détails sur les effectifs déployés.

Le Pakistan et l'Afghanistan voisin s'accusent régulièrement d'abriter des sanctuaires d'insurgés extrémistes responsables d'atrocités.

«Appât pour les insurgés»

Les événements des derniers jours ont effrayé et choqué des Pakistanais qui commençaient tout juste à renouer avec un relatif sentiment de sécurité après des années de violences.

Des rumeurs de seconde explosion, de menaces sur divers lieux publics et de couvre-feu sur la ville ont fusé sur les réseaux sociaux, illustrant une nervosité croissante dans le pays.

L'attaque fait aussi planer le doute sur la tenue à Lahore de la finale de la Super League pakistanaise de cricket. Cette compétition se déroule actuellement aux Émirats arabes unis en raison de craintes pour la sécurité, mais les organisateurs espéraient que la finale pourrait se jouer au Pakistan début mars.

Mais pour Asha'ar Rehman, éditeur régional pour le Pendjab du quotidien Dawn, le «langage» des autorités est «un appât pour les insurgés», notamment au sujet de la finale du PSL.

«Beaucoup de gens pensent que cela provoque inutilement la colère des insurgés. Les citoyens ordinaires ne pensent pas comme les forces de sécurité ou les militaires. Pour eux, la sécurité passe avant tout», a-t-il dit à l'AFP.

«La paix et la sécurité des gens devraient primer dans les considérations sur un show de vitrine comme le PSL», juge-t-il.

10 attentats en 11 jours, au moins 136 morts

L'attaque à la bombe jeudi à Lahore est le 10e attentat ou évènement violent à frapper le Pakistan en moins de deux semaines. Au moins 136 personnes ont été tuées au cours de cette période.

En voici un récapitulatif: 23 février:

Au moins 6 morts et 30 blessés par une bombe dans un immeuble d'un quartier huppé de Lahore.

21 février:

Au moins 7 morts après l'attaque par plusieurs kamikazes d'un complexe judiciaire à Tangi, près de Charsadda, au nord-ouest du pays. Une attaque revendiquée par le Jamaat-ul-Ahrar (JuA), une faction des talibans pakistanais (TTP). 16 février:

Au moins 90 morts et des centaines de blessés dans un attentat-suicide contre le sanctuaire soufi de Lal Shabaz Qalanadr à Sehwan (sud). Il est revendiqué par le groupe Etat islamique (EI).

Des hommes armés à moto tuent 4 policiers et un civil dans la ville de Dera Ismail Khan (nord ouest). L'attentat est revendiqué par le TTP.

Un engin explosif improvisé explose au passage d'un convoi de l'armée au Baloutchistan (sud-ouest), tuant trois militaires et en blessant deux. Il est revendiqué par le JuA.

15 février:

Un kamikaze à moto attaque un bus transportant des magistrats à Peshawar, faisant 1 mort. Le TTP revendique.

Deux kamikazes attaquent un complexe administratif dans la zone tribale de Mohmand, tuant 5 personnes. L'attentat est revendiqué par le JuA. Un 4e kamikaze se fait exploser peu après lors de son interpellation.

13 février:

Au moins 14 personnes sont tuées et 82 blessées lorsqu'un kamikaze déclenche sa charge dans une manifestation à Lahore. Revendiqué par le JuA.

Deux membres d'une unité de déminage sont tués à Quetta, capitale du Baloutchistan, lorsqu'un engin qu'ils tentaient de neutraliser explose. Pas de revendication.

12 février:

Un engin explosif en bord de route explose, tuant trois paramilitaires dans une zone tribale frontalière de l'Afghanistan.