La campagne militaire en Birmanie contre la minorité musulmane des Rohingyas a « probablement fait plusieurs centaines de morts » en près de quatre mois, selon un rapport de l'ONU, qui appelle les autorités à cesser sans délai cette « politique de la terreur ».

L'armée birmane a lancé le 10 octobre une offensive d'envergure dans l'État Rakhine après des raids meurtriers de groupes armés contre des postes-frontière.

« D'après ce que nous avons recueilli, le niveau de violence est sans précédent », a déclaré l'un des auteurs du rapport, Ilona Alexander, lors de la présentation du document vendredi à Genève.

Depuis octobre, environ 66 000 Rohingyas ont fui vers le Bangladesh et 22 000 autres ont été déplacés à l'intérieur du pays, selon ce rapport établi par le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme.

L'ONU y dénonce la vaste entreprise de répression « généralisée et systématique » menée essentiellement par l'armée à l'encontre des Rohingyas et ayant abouti à un « nettoyage ethnique » et « très probablement » à des crimes contre l'humanité.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du gouvernement birman, Zaw Htay, a affirmé que les autorités allaient « immédiatement enquêter sur ces allégations » et « s'il y a des preuves évidentes d'abus et de violations, nous prendrons toutes les mesures nécessaires ».

Les autorités birmanes accusent des rebelles Rohingyas, entraînés à l'étranger avec l'aide de pays arabes, d'être les auteurs des attaques menées le 9 octobre contre les postes-frontière.

Selon l'International Crisis Group (ICG), organisation indépendante qui analyse les conflits à travers le monde, il s'agirait d'un groupe de militants appelé Harakah al-Yaqin et soutenu par l'Arabie Saoudite.

Réfugiés au Bangladesh voisin, les Rohingyas ont décrit les exactions de l'armée birmane : viols collectifs, meurtres, tortures, disparitions forcées, détentions arbitraires...

« La terreur »

Pour préparer son rapport, l'ONU a interviewé plus de 200 victimes et témoins dont les effroyables récits décrivent des femmes et des jeunes filles violées, des hommes brûlés ou encore des bébés et des enfants massacrés à coups de couteau.

Cette « politique de la terreur » mise en oeuvre par l'armée birmane depuis début octobre est loin d'être un « événement isolé », selon le rapport.

« Le gouvernement de Birmanie doit immédiatement mettre un terme à ces graves violations des droits de l'Homme contre son peuple, au lieu de continuer à nier qu'elles se sont produites, et accepter de garantir l'accès des victimes à la justice, à des réparations et à la sécurité », a déclaré le Haut-Commissaire, Zeid Ra'ad Al Hussein dans un communiqué.

« La gravité et l'ampleur de ces allégations impliquent une réaction vigoureuse de la communauté internationale », a-t-il dit.

En juin, le haut responsable onusien avait déjà estimé que les violations des droits des Rohingyas, notamment le déni de citoyenneté, le travail forcé et des violences sexuelles, pourraient être considérées comme des « crimes contre l'humanité ».

L'ONU a également déjà dénoncé un « nettoyage ethnique ».

Traités comme des étrangers en Birmanie, à plus de 90 % bouddhiste, les Rohingyas sont apatrides même si certains vivent dans le pays depuis des générations.

L'arrivée au pouvoir fin mars de la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, n'a pour l'instant rien changé à leur situation.

Le gouvernement argue que ces accusations sont montées de toutes pièces et a lancé une commission chargée d'examiner ces allégations. Dans un rapport périodique, il a démenti les accusations de « génocide » et de « persécution religieuse ».