L'avocat populiste a annoncé qu'il entendait «nettoyer» la police, mise en cause depuis plusieurs semaines dans de sordides affaires d'extorsion, dont celle d'un homme d'affaires sud-coréen enlevé par des agents des stups et assassiné au sein même du siège de la police nationale (PNP).

«Vous, les policiers, vous êtes les plus corrompus. Vous êtes corrompus jusqu'à la moelle. C'est dans votre sang», a-t-il dit aux journalistes en parlant des policiers accusés de l'enlèvement et du meurtre du Sud-Coréen.

Le président a estimé à 40% la proportion de policiers se livrant à des activités illégales. Des commentaires qui interviennent sept mois après qu'il eut chargé la police d'être le glaive d'une sanglante campagne pour éradiquer le trafic de stupéfiants.

Il avait été élu au printemps en promettant d'en finir avec ce fléau dans les trois à six mois, quitte à tuer des dizaines de milliers de trafiquants.

Depuis son investiture fin juin, les policiers ont tué plus de 2500 «suspects».

Dans le même temps, près de 4000 personnes ont péri dans des circonstances inexpliquées, leur dépouille étant souvent retrouvée abandonnée dans la rue près d'un bout de carton accusant la victime d'être un toxicomane ou un trafiquant.

Après avoir déjà repoussé en mars le terme de cette campagne, M. Duterte a annoncé lundi qu'il ne l'arrêterait pas.

«Faites des trafics si vous voulez»

«Je vais la prolonger jusqu'au dernier jour de mon mandat», a-t-il dit aux journalistes. Aux Philippines, le président est élu pour un mandat unique de six ans.

Après les déclarations du président, le chef de la PNP Ronald Dela Rosa a annoncé que les activités de toutes les unités de la police des stupéfiants seraient suspendues le temps que soit mené le «nettoyage» annoncé par le président.

On ignore ce que sera la portée de cette chasse aux «ripoux».

M. Duterte ne s'est jamais laissé démonter par les critiques de certaines capitales étrangères et d'organisations de défense des droits de l'Homme sur la violence de cette campagne antidrogue. Au contraire, il a toujours répliqué de façon offensive.

Il est toujours resté de marbre face à ceux qui affirmaient que des policiers avaient abattu des civils désarmés, et aux témoignages accusant des «ripoux» de garnir post mortem les poches des cadavres de sachets de drogue ou d'une arme à feu.

De nombreuses voix s'inquiètent de ce que ces policiers jouissent en fait d'une impunité totale dans le cadre de la sacrosainte campagne contre les stupéfiants.

Le président a toujours promis de soutenir ses policiers engagés dans cette «guerre», leur répétant qu'ils ne devaient pas s'inquiéter de conséquences judiciaires s'ils tuaient un trafiquant de drogue.

Lors de l'anniversaire au début du mois de M. Dela Rosa, M. Duterte a même affirmé qu'il acceptait que les policiers se livrent à des activités illégales pour arrondir leurs fins de mois, tant que celles-ci n'étaient pas liées aux stupéfiants.

«Faites des trafics si vous voulez, mais pas de drogue», a-t-il dit, avant de déplorer que les policiers ne soient pas suffisamment payés.

«Je ne dis pas qu'il faut nécessairement faire des choses illégales, je dis que, tant que le gouvernement ne vous paie pas plus, si quelqu'un vous propose de l'aide, acceptez-la.»

La complaisance du gouvernement vis-à-vis de la police suscite l'indignation de mouvements de défense des droits de l'Homme.

«Comment une force de police fasciste et corrompue, où l'impunité est la loi, pourrait venir à bout du trafic de drogues?», demandait lundi dans un communiqué le secrétaire général de la coalition de gauche Bayan, Renato Reyes.

«Le bilan va continuer de grimper, davantage de criminels en uniforme continueront de semer le chaos dans nos rues», prédisait-il.