Le président philippin Rodrigo Duterte a menacé de décréter la loi martiale dans le cadre de sa violente guerre contre le trafic de drogue, une déclaration-choc trois décennies après la chute de la dictature.

«Si je le souhaite, et que (le problème du trafic de drogue) empire, je décréterai la loi martiale, si je le souhaite. Personne ne pourra m'en empêcher», a déclaré samedi soir M. Duterte dans un discours.

L'ancien magistrat de 71 ans a affirmé qu'une telle mesure viserait à «protéger les Philippins et la jeunesse de ce pays».

M. Duterte a remporté en mai 2016 la présidentielle après avoir promis de tuer des milliers de criminels pour éradiquer le trafic de drogue, un des fléaux de la société philippine.

La sanglante guerre contre la drogue qu'il a lancée à son arrivée au pouvoir s'est traduite en six mois par la mort d'au moins 5700 personnes, dont des milliers d'exécutions extrajudiciaires.

Plusieurs capitales étrangères et ONG se sont élevées contre la violence d'une campagne aux méthodes contraires aux principes de l'État de droit.

M. Duterte, qui fait fi de toutes les critiques, a déjà évoqué la possibilité d'un retour à la loi martiale. Mais il ne l'avait jamais fait en des termes aussi directs.

La loi martiale lui permettrait d'utiliser l'armée pour les missions d'ordre public et autoriserait des détentions sans inculpation beaucoup plus longues.

Les Philippines ont vécu pendant 14 ans sous ce régime d'exception à partir de 1972, quand l'ancien dictateur Ferdinand Marcos l'a décrétée, en prétextant la menace posée par l'insurrection communiste.

La loi martiale avait été levée en 1986 après la révolution qui avait chassé Marcos du pouvoir.

La nouvelle Constitution alors mise en place avait notamment instauré le mandat présidentiel unique de six ans, dont le but était d'éviter le retour de la dictature.

Cette Constitution précise que la loi martiale peut être instaurée pendant 60 jours pour faire face à une rébellion ou une invasion. Elle peut être abrogée par le Parlement et la Cour suprême peut se pencher sur sa légalité.

Mais Rodrigo Duterte a également indiqué samedi soir qu'il pouvait ne pas tenir compte de cette limite temporelle.

«(La limite des) 60 jours ne comptera pas», a-t-il dit.

«Et je vous préviens: si je dois décréter la loi martiale, je le ferai. Pas pour une invasion, pour une insurrection ou un danger. Je déclarerai la loi martiale pour protéger mon peuple, point», a averti le président connu pour son langage direct.