La junte militaire au pouvoir en Thaïlande a appelé mardi le peuple à «sanctionner» ceux qui critiqueraient la monarchie, au moment où apparaissent sur les réseaux sociaux des vidéos de Thaïlandais agressés par la foule pour leurs positions supposées antiroyalistes.

«Il n'y a pas de meilleur moyen de punir ces gens que de les sanctionner socialement», a déclaré le ministre de la Justice, le général Paiboon Koomchaya, devant la presse.

Il a également appelé à «poursuivre devant la justice ceux qui violent la loi», dans ce pays où le crime de lèse-majesté est puni de longues années de prison.

Il commentait le cas d'une femme arrêtée dimanche sur l'île de Samui, dans le sud du pays, pour diffamation royale, à la suite d'un message sur Facebook relatif au prince et au régent, après des pressions exercées par une foule en colère réunie devant un commissariat.

Interrogé par l'AFP, un responsable de la police locale s'était félicité de l'avoir «forcée à présenter des excuses en public face au portrait du roi».

Ces derniers jours, des vidéos inquiétantes circulent sur les réseaux sociaux de personnes agressées par des foules les accusant de manque de ferveur royaliste.

Une dernière, publiée mardi matin en direct sur Facebook, montre une foule frappant un homme et l'obligeant à se mettre à genoux et à s'excuser d'avoir insulté la monarchie.

«Je ne voulais pas faire ça, j'aime le roi!», dit l'homme, dans cette vidéo tournée dans la région de Chonburi, dans l'est du pays, selon son auteur. Elle a été rapidement supprimée, après avoir été vue par plus de 200 000 internautes en l'espace de quelques heures.

La police n'était pas en mesure de confirmer l'agression dans un premier temps, mais elle a fait état de plusieurs manifestations de ce genre ces derniers jours dans le pays.

Le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, a quant à lui appelé «à la prudence ceux qui diffusent des messages insultants ou affectant la sécurité nationale», car «cela fait souffrir le peuple et est illégal».

Prison pour lèse-majesté

Cinq jours après la mort du roi Bhumibol Adulyadej, qui avait un statut de demi-Dieu et était protégé par une loi de lèse-majesté draconienne, ces agressions sont le premier signe de rupture avec l'image d'une nation unie dans le deuil, véhiculée à longueur de journée à la télévision.

En effet, depuis plusieurs jours, les télévisions diffusent en boucle des hommages au roi, entre images d'archives de ses tournées dans le pays et témoignages de ses sujets aujourd'hui en pleurs.

Jusqu'ici, nul opposant au régime militaire ultra-royaliste n'a osé rompre le deuil en évoquant les conséquences politiques de la succession, alors que le prince héritier Maha Vajiralongkorn est loin d'avoir la popularité de son père.

Le fait qu'il ait demandé un «délai» avant de monter sur le trône et que Prem Tinsulanonda, principal conseiller du roi, âgé de 96 ans, soit devenu régent, suscite de nombreux commentaires, en sourdine en raison de la loi de lèse-majesté.

Les anciens Premiers ministres Thaksin et Yingluck Shinawatra, frère et soeur successivement renversés par des coups d'État en 2006 et 2014, n'ont toujours pas réagi autrement que par un classique message de condoléances, très sobre.

Depuis l'arrivée de la junte au pouvoir par un coup d'État en mai 2014, les poursuites se sont multipliées et les sentences alourdies. En août 2015, un homme a été condamné à 30 ans de prison et une femme à 28 ans après avoir publié sur Facebook plusieurs messages jugés insultants pour la famille royale.

Des groupes ultra-royalistes se sont spécialisés dans la dénonciation à la police des internautes jugés antiroyalistes.

«The garbage collection organisation», dirigé par le directeur d'un hôpital de Bangkok, qui voit les détracteurs de la monarchie comme des «déchets», redouble d'énergie sur les réseaux sociaux ces derniers jours.

D'après le dernier rapport de l'ONG de défense des droits de l'Homme iLaw, 66 personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté depuis mai 2014 et 53 sont incarcérées. Avant le coup d'État, six personnes étaient derrière les barreaux.