Plusieurs jeunes militants prônant une rupture radicale avec Pékin semblaient lundi matin sur le point d'être pour la première fois élus au «Parlement» hongkongais, deux ans après les grandes manifestations prodémocratie de 2014.

Les élections au Conseil législatif (LegCo) se sont tenues dimanche au moment où de nombreux habitants de l'ex-colonie britannique ont le sentiment que Pékin veut renforcer son emprise sur la ville semi-autonome, dans les domaines politique, culturel ou encore éducatif.

Plus de 2,2 millions de personnes, soit près de 60% des inscrits - un record - ont voté jusque tard dans la nuit pour un scrutin où se présentaient pour la première fois des partisans d'une indépendance du petit territoire du sud-est de la Chine.

Après dépouillement de 90% des bulletins, au moins trois candidats préconisant la rupture avec Pékin étaient donnés gagnants.

Parmi eux, Nathan Law, 23 ans, qui avait été à l'automne 2014 une des figures de proue du «Mouvement des Parapluies», ces manifestations massives qui avaient paralysé des quartiers entiers de Hong Kong.

Deuxième dans sa circonscription, derrière un candidat pro-Pékin, il est assuré d'obtenir un siège au LegCo. Son mouvement, Demosisto, demande un référendum sur l'indépendance, insistant sur les droits des Hongkongais à choisir leur avenir.

«Les Hongkongais veulent vraiment le changement», a-t-il déclaré lors du dépouillement. «Les jeunes ont un sentiment d'urgence en ce qui concerne leur avenir.»

Les craintes de l'opposition

Malgré plus de deux mois de blocage des rues, le «Mouvement des Parapluies» avait échoué à obtenir la moindre concession de la Chine en matière de réformes politiques.

Sur les cendres de cette révolte, était né le mouvement dit «localiste» qui cherche à prendre ses distances avec la Chine. Aujourd'hui, une nouvelle génération demande l'indépendance pure et simple, tandis que d'autres militent pour l'autodétermination du territoire repassé en 1997 sous tutelle chinoise.

Certains ont pu craindre qu'une percée des localistes dans les urnes ne renforce paradoxalement l'emprise de Pékin sur le Conseil, en affaiblissant l'opposition traditionnelle dite «démocrate», qui ne soutient pas les «localistes».

Les résultats non définitifs laissaient cependant penser lundi matin que l'opposition «démocrate» conservera dans la nouvelle assemblée sa minorité de blocage. Ce qui serait pour elle un très bon résultat.

Le système électoral hongkongais, particulièrement complexe, fait qu'il est quasiment impossible que le camp démocrate soit majoritaire au LegCo.

Trente-cinq de ses 70 membres sont élus au suffrage universel direct. Mais l'autre moitié des sièges est attribuée selon un mécanisme alambiqué qui garantit presque à coup sûr une majorité au bloc pro-Pékin.

Beaucoup de Hongkongais craignent que les libertés dont dispose Hong Kong, en vertu de l'accord qui avait permis la rétrocession, ne soient en train de s'éroder. L'affaire des libraires hongkongais disparus alors qu'ils publiaient des titres salaces sur la classe politique chinoise, puis réapparus en Chine cet hiver, en est une illustration.

Sandwich au thon

Pour l'analyste hongkongais Joseph Cheng, «cette élection se caractérise en grande partie par des changements intergénérationnels de dirigeants politiques».

Hong Kong était redevenue chinoise en vertu du fameux principe «un pays, deux systèmes» lui garantissant, au moins jusque 2047, des libertés et une semi-autonomie inexistante ailleurs en Chine. Cependant, de nombreux jeunes Hongkongais sont convaincus que cette promesse a fait long feu.

Dimanche, des candidats continuaient au mégaphone d'inciter les Hongkongais à se rendre aux urnes pour éviter que le LegCo ne penche davantage encore en faveur de Pékin.

En raison de la participation record, certains bureaux de vote sont restés ouverts jusque 02H30 lundi (18H30 GMT dimanche), quatre heures après leur fermeture théorique.

Lors des dernières élections au Legco en 2012, le taux de participation s'était élevé à 53%.

Le dirigeant du gouvernement local, l'impopulaire Leung Chun-ying, a assuré en glissant son bulletin dans l'urne que le scrutin était «démocratique».

Plusieurs opposants ont manifesté devant le bureau de vote. L'un d'eux a lancé un sandwich au thon sur le dirigeant hongkongais afin de symboliser, a-t-il assuré, le fait que les personnes âgées ne peuvent plus se payer le petit déjeuner dans une ville où les écarts de richesses se creusent.

Pour bon nombre d'électeurs, les questions essentielles restent les loyers exorbitants et la faiblesse des salaires.