Sous les dômes turquoise de Samarcande et sous haute sécurité, l'Ouzbékistan a inhumé samedi son premier et seul président Islam Karimov, dont la mort après plus de 25 ans de pouvoir sans partage ouvre une période d'incertitude pour ce pays d'Asie centrale à la situation stratégique.

Foules massées le long des routes, procession religieuse et témoignages éplorés à la télévision nationale ont marqué le dernier hommage à Karimov dans sa ville natale de Samarcande (sud), joyau historique sur la Route de la Soie, au lendemain de l'annonce de sa mort à 78 ans des suites d'une hémorragie cérébrale.

Loué par ses partisans pour avoir maintenu la stabilité dans cet État musulman frontalier de l'Afghanistan, mais accusé par ses détracteurs de graves atteintes aux droits de l'Homme, l'homme fort de l'Ouzbékistan n'a pas de successeur désigné. En attendant la tenue d'élections d'ici à trois mois, l'intérim est assuré par le président du Sénat, Nigmatilla Iouldachev.

Selon les images diffusées par la télévision nationale, une cérémonie d'adieu s'est tenue sur la place du Régistan dominée par trois impressionnantes universités coraniques des XVe et XVIIe siècles classées au patrimoine mondial de l'UNESCO. Le corps a ensuite été porté par des hommes à travers la foule vers la nécropole du Shah i-Zinda, où Karimov a été inhumé selon les rites musulmans.

« Notre peuple, l'Ouzbékistan a subi une perte irréparable », a déploré le premier ministre Chavkat Mirzioïev, cité par l'agence russe Interfax.

Karimov a agi « au nom du maintien de l'indépendance de l'Ouzbékistan, d'une vie dans la paix et la tranquillité », a-t-il souligné, citant la menace terroriste alors que le pays s'inquiète de la montée de l'islam radical et de l'influence de l'organisation Etat islamique.

Parmi les invités figuraient le premier ministre russe Dmitri Medvedev, ainsi que les présidents tadjik Emomali Rakhmon et afghan Ashraf Ghani.

Samarcande bouclée

La dépouille du président avait été transportée en avion dans la matinée de la capitale Tachkent à Samarcande. Avant et après le vol, le cortège a parcouru les rues des deux villes où s'étaient massés des milliers d'Ouzbeks munis de fleurs.

« Si notre président avait vécu encore dix ans, l'Ouzbékistan aurait été méconnaissable, encore plus fort », a assuré à l'AFP un homme de 58 ans à Samarcande, dont le centre avait été bouclé par la police. « Quand nous avons appris sa mort, avec toute ma famille nous nous sommes mis à pleurer, c'est une grande perte pour tout Ouzbek, il a rendu notre pays libre et développé ».

Né le 30 janvier 1938, Islam Karimov a gravi tous les échelons de l'appareil du Parti communiste à l'époque de l'URSS jusqu'à prendre la tête de la république soviétique d'Ouzbékistan. À l'indépendance, en 1991, il se maintient au pouvoir et a remporté haut la main depuis toutes les présidentielles.

De nombreuses ONG l'accusent d'avoir truqué les élections, arrêté arbitrairement des centaines d'opposants, soutenu l'usage de la torture dans les prisons et d'avoir eu recours au travail forcé dans les champs de coton.

Il avait été hospitalisé le 27 août après avoir souffert d'une grave hémorragie et immédiatement placé en réanimation, entraînant une semaine de spéculations sur son état de santé et d'informations officielles au compte-gouttes.

Le premier ministre favori ?

La télévision nationale a finalement annoncé vendredi soir que le coeur du président avait cessé de battre à 20 h 15 et qu'il avait été déclaré mort quarante minutes plus tard. Elle diffuse depuis de la musique traditionnelle, interrompue régulièrement par de longs éloges de ses succès ou des témoignages émus.

« Notre peuple, c'est le visage de notre président », a ainsi assuré une femme avant de fondre en larmes.

Selon les experts, au moins trois hauts responsables ouzbeks pourraient chercher à prendre la succession de Karimov.

Le premier ministre Chavkat Mirzioïev a dirigé la commission chargée d'organiser les funérailles, une indication sur le rôle important qu'il pourrait désormais jouer.

Il s'est entretenu après les funérailles avec Dmitri Medvedev et lui a promis que l'Ouzbékistan comptait « travailler avec (ses) amis russes ». « Nous sommes avec vous en ces jours tristes, n'en doutez pas », a assuré le premier ministre russe.

Deux autres hommes sont également pressentis, le ministre des Finances Roustam Azimov et le puissant chef de la sécurité Roustam Inoyatov considéré comme l'un des responsables de la répression en 2005 d'une manifestation qui avait fait entre 300 à 500 morts à Andijan (est).

PHOTO DMITRY ASTAKHOV, AFP/SPUTNIK

Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a assisté aux funérailles du dirigeant ouzbek.