Considéré comme le plus puissant dirigeant chinois depuis Mao, Xi Jinping pourrait prolonger sa position à la tête du Parti communiste au-delà des dix ans prévus, estiment des experts, alors que se prépare un congrès politique crucial et que toute opposition interne est muselée.

Les hauts dirigeants du régime communiste se réuniront comme d'habitude courant août dans la cité balnéaire de Beidaihe (nord) pour leurs réunions estivales à huis clos.

L'agenda devrait être dominé par la composition du prochain Comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois (PCC), organe tout-puissant de sept membres dont cinq doivent être remplacés l'an prochain lors du 19e Congrès du parti.

La composition du comité, centre de décision du pouvoir, devait donner des indices sur le probable successeur de Xi après 2022, date à laquelle il est censé se retirer, après dix ans comme secrétaire général du Parti et président de la République populaire.

Mais Xi n'a jusqu'à présent désigné aucun héritier, et nombre d'experts estiment désormais probable qu'il cherchera à rester en poste au-delà de deux mandats quinquennaux.

«Beaucoup d'analystes considèrent que c'est plié», que Xi restera secrétaire général, souligne Christopher Johnson, analyste du Centre d'études stratégiques internationales à Washington.

Il y a «de 60 à 70%» de chances que Xi refuse de quitter son poste, abonde Willy Lam, politologue à la Chinese University of Hong Kong.

La constitution chinoise fixe des limites pour le mandat de président, mais aucune disposition similaire n'existe pour le secrétaire général du Parti.

Cependant, ce serait une entorse à une règle non écrite établie par Deng Xiaoping -- emblématique dirigeant de la Chine entre 1978 et 1989 --, qui veut que les secrétaires généraux du PCC se retirent après dix ans, pour favoriser des transitions sans heurt au sommet, favoriser les compromis et prévenir l'émergence d'un despote.

«Pas d'héritier en vue»

Si Wang Qishan, membre du Comité permanent et allié de Xi -- pour lequel il coordonne une vaste campagne anticorruption --, est autorisé à rester en poste alors qu'il est censé prendre sa retraite, cela créerait un précédent.

Xi Jinping a lui-même renforcé considérablement ses propres pouvoirs en se nommant à la tête de puissantes commissions à visée économique et militaire, relève Victor Shih, de l'Université de Californie.

Cela «complique la tâche pour tout successeur potentiel», explique-t-il à l'AFP, notant qu'«aucun héritier n'est en vue pour l'instant».

Depuis son ascension à la tête du Parti, Xi a déjà fait voler en éclat plusieurs règles non écrites supposées intangibles, ajoute M. Johnson.

Sa campagne anticorruption a ainsi abouti à faire emprisonner Zhou Yongkang, ex-chef de la Sécurité publique -- en dépit de l'accord tacite exemptant de disgrâce les ex-hauts dirigeants.

Les soutiens de Xi argueront par ailleurs qu'un mandat prolongé lui permettrait de poursuivre ses réformes structurelles, sa politique militariste en mer de Chine, tout en capitalisant sur ses ambitieux objectifs économiques. Il vise un doublement du PIB par habitant entre 2010 et 2020, à temps pour le 100e anniversaire du Parti.

Poutine comme modèle

Xi s'est également attaché à réduire les plus menaçantes sources d'opposition, en imposant son emprise sur l'armée et la police, observe Willy Lam.

Le PCC a de surcroît récemment annoncé un contrôle renforcé sur la Ligue de la Jeunesse communiste, pépinière de cadres et bastion des courants réformateurs, dont sont issus l'ex-président Hu Jintao et l'actuel Premier ministre Li Keqiang.

Pour Xi, un modèle envisageable pourrait être le dirigeant russe Vladimir Poutine, parvenu à se maintenir au pouvoir depuis une quinzaine d'années alternativement comme président et premier ministre: «Comme son excellent ami Poutine, Xi voudra certainement accumuler plus de deux mandats», sourit M. Lam.

Xi a beau admirer ostensiblement son homologue russe, la chose ne sera pas aisée, prévient cependant Bo Zhiyue, de la Victoria University en Nouvelle-Zélande, car «il est impossible en Chine d'alterner les fonctions sans perdre de son pouvoir» -- un secrétaire général sans la présidence du pays serait «affaibli».

D'autre part, Xi reste hanté par l'effondrement de l'Union soviétique, ce qui pourrait l'amener à se montrer prudent, tempère M. Shih.

Il ne saurait ignorer que l'émergence d'une «gérontocratie» où les dirigeants de l'URSS s'accrochaient au pouvoir jusqu'à leur mort est «partiellement responsable de la sclérose du régime» soviétique et de son agonie, souligne-t-il.