John Kerry a entamé lundi une visite exceptionnelle au Laos, la troisième en 60 ans d'un secrétaire d'État américain dans ce pays communiste, où il doit parler des ravages des bombes américaines durant la guerre du Vietnam et du poids de la Chine en Asie du Sud-Est.

Ce voyage vise aussi à préparer un sommet, organisé en Californie les 15 et 16 février par le président Barack Obama, entre les États-Unis et les dix pays de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN).

Vientiane assure cette année la présidence tournante de ce groupe régional et accueillera cet automne le sommet de l'ASEAN, auquel devrait se rendre M. Obama. Une première au Laos pour un président des États-Unis.

Pour M. Kerry, il s'agit seulement de la troisième visite d'un chef de la diplomatie américaine depuis 1955, après celles de John Foster Dulles et de Hillary Clinton en 2012.

«C'est le signe qu'après des décennies d'une relation très difficile entre le Laos et les États-Unis - une période de séparation et de suspicion réciproque - il y a eu progressivement une véritable transformation de la relation bilatérale», s'est félicité un diplomate du département d'État voyageant avec son ministre.

Arrivé d'Arabie saoudite dimanche soir, M. Kerry doit s'entretenir lundi matin avec le premier ministre Thongsing Thammavong et son ministre des Affaires étrangères Thongloun Sisoulith, avant de se rendre dans l'après-midi au Cambodge voisin.

Le patron de la diplomatie américaine est à Vientiane quelques jours après le congrès quinquennal du Parti communiste du Laos, au pouvoir depuis 1975, qui s'est choisi comme dirigeant, pour les cinq prochaines années, le vice-président Bounnhang Vorachith, 78 ans.

50 000 morts

Washington et Vientiane devraient discuter d'une augmentation du programme américain de désarmement des bombes non explosées, «un problème, bien sûr, conséquence de nos actions durant la guerre du Vietnam dans les années 1970», a reconnu le diplomate.

De fait, le Laos est le pays du monde qui a reçu le plus grand nombre de bombes par habitant, lorsque la guerre du Vietnam a débordé sur son territoire entre 1964 et 1973.

Washington tentait alors de couper les voies d'approvisionnement des combattants nord-vietnamiens. Plus de deux millions de bombes ont été lancées sur le Laos. Environ 30% n'ont pas explosé et quelque 50 000 personnes en sont mortes depuis la fin de la guerre.

Le sujet a une résonance particulière pour M. Kerry, ancien combattant du Vietnam, blessé et plusieurs fois décoré.

Les relations entre Vientiane et Washington, si elles n'ont jamais été rompues, ont longtemps été très tendues, notamment en raison du soutien américain à la minorité ethnique des Hmongs. Ceux-ci avaient combattu aux côtés des forces américaines contre les communistes aujourd'hui au pouvoir.

Les droits de l'Homme demeurent une véritable pomme de discorde, surtout depuis la disparition en 2012 d'un militant, Sombath Somphone.

Comme à chaque fois qu'il se rend en Asie du sud-est, M. Kerry ne peut que constater l'immense influence de la Chine sur les petits pays de la région.

«Comme au Cambodge, le Laos est un pays où la Chine a été l'acteur dominant tant en termes économiques que politiques», a expliqué le responsable du département d'État.

Mais il a jugé «significatif que les Laotiens, en particulier ces dernières années et en 2015, aient montré autant d'intérêt à développer et à renforcer leurs relations avec les États-Unis».

Les Américains cherchent à s'appuyer sur une ASEAN unifiée pour pouvoir contrebalancer le poids de la Chine en Asie-Pacifique, la région prioritaire pour la diplomatie Obama.

Washington milite pour l'unité de l'Asie du Sud-Est, dont certains de ses États membres ont de graves contentieux territoriaux avec Pékin en mer de Chine méridionale. Des disputes qui menacent de dégénérer en conflits et qui inquiètent au plus haut point les États-Unis.