Joana Yambao, 12 ans, fait tourner sa petite soeur installée dans une bassine en plastique flottant sur l'eau sale. Les habitants du village philippin de San Jose, durement touchés par un typhon, n'ont pas grand-chose à célébrer en cette période de fêtes.

Des dizaines de localités situées dans les plaines rizicoles du centre de Luzon, la principale île des Philippines, sont toujours sous l'eau 10 jours après le passage du typhon Melor.

La tempête a fait 45 morts tandis que des milliers de personnes se sont retrouvées sans nourriture, sans eau ni accès aux soins médicaux.

«Je ne crois pas que le père Noël va passer cette année, l'eau est trop haute», dit Joana Yambao à l'AFP.

Au lieu de s'attabler pour le traditionnel repas de viande, de fromage et de douceurs, des centaines d'habitants de San Jose patientaient dans l'eau, des bassines à la main, pour la distribution de vivres organisée à l'Église catholique.

Cette localité de 5000 habitants a déjà connu des inondations, mais, disent les habitants les plus âgés, jamais pendant la période de Noël.

D'après les chiffres officiels, environ 206 000 personnes sont toujours victimes des inondations ou dépendent de rations alimentaires du gouvernement, voire les deux à la fois.

Amelia Samblijay, 63 ans, tente de ne pas se laisser abattre. Chez elle, six figurines en plastique à l'effigie du père Noël sont accrochées au plafond, suspendues au-dessus de l'eau marron, sur laquelle flottent de vieilles chaussures, des bouteilles en plastique et le cadavre d'un rat.

Sa maison, qui n'est protégée des intempéries que par un toit en tôle, n'a plus d'électricité depuis 10 jours. Les autorités ont coupé le courant préventivement à l'approche du typhon pour éviter les électrocutions et il n'a pas été rétabli.

Mme Samblijay a trois grands enfants qui ne pourront lui rendre visite cette année. Ils auraient pu venir de Manille en bateau, mais le voyage aurait été trop dangereux pour ses jeunes petits-enfants a estimé la famille.

«Ça va être un triste Noël sans mes sept petits-enfants», dit-elle. Elle est obligée de faire la cuisine sur le toit pour nourrir son mari, alité depuis un accident vasculaire cérébral.

«Ils n'auraient pas aimé ici de toute façon sans électricité», se console-t-elle.

Dormir à l'église

Dans une maison voisine, deux chiens sont allongés sur un toit pour échapper à l'eau. Les petits bateaux en bois ou en fibre de verre sont devenus le principal mode de transport, conduits par des pêcheurs qui font désormais payer les déplacements.

Sur la rivière Pampanga, le cours d'eau en crue qui passe à proximité du village, Allan Gonzales accompagne en bateau le cercueil qui contient la dépouille de son grand-père de 99 ans, mort à l'hôpital il y a quelques jours.

«C'est dur. Il faisait nuit quand il a eu sa crise cardiaque et on a aussi dû l'amener à l'hôpital en bateau», dit ce pêcheur de 34 ans à l'AFP.

Malgré tout, souligne-t-il, San Jose a la chance de n'avoir à déplorer aucun décès provoqué par Melor. Il espère que les eaux reflueront bientôt afin de pouvoir se mettre à table avec sa famille pour le repas de Noël.

«Tout est possible avec Dieu», assure-t-il.

L'archipel subit régulièrement des tempêtes meurtrières, avec en moyenne chaque année une vingtaine de typhons.

La veille de Noël, environ 80 000 personnes étaient toujours réfugiées dans des centres d'urgence, selon l'Agence nationale de gestion des catastrophes.

À San José, certains ont trouvé refuge dans des églises.

«Ma maison est à moitié sous l'eau. Je me suis dit que c'était plus simple de dormir ici», explique Solita Nebre, 53 ans, qui dort sur des morceaux de carton à l'église du village depuis trois jours.

«Dieu est miséricordieux. Il ne nous a pas punis», affirme Mme Nebre. «Il nous a simplement envoyé ces inondations pour tester notre foi».