Le premier ministre du Pakistan a appelé à la vengeance, devant les portraits d'enfants tombés sous les balles des talibans, en commémorant mercredi l'attaque il y a un an contre une école, le pire attentat de l'histoire du pays.

«Mes chers enfants, aujourd'hui je vous fais cette promesse que je me vengerai de chacune des gouttes de votre sang versé», a déclaré Nawaz Sharif, en s'adressant aux victimes de l'attaque contre une école de Peshawar, dans le nord-ouest du pays.

Le 16 décembre 2014, un commando de neuf talibans était entré dans l'école publique de l'armée (APS), abattant de sang-froid 151 personnes, dont 134 enfants -- une attaque qui n'est pas sans rappeler dans l'ampleur et la méthode, l'attentat contre le Bataclan le 13 novembre à Paris.

Le premier ministre participait dans cette même école à une cérémonie très émouvante et retransmise en direct, qui a rassemblé 2500 personnes selon un responsable militaire. Parmi elles, le puissant chef d'état-major Raheel Sharif, le chef de l'opposition Imran Khan, mais aussi des acteurs, des sportifs, et des familles endeuillées.

Des parents peinaient à retenir leurs larmes lorsqu'étaient déclamés un par un les noms des élèves tués.

«Jibran Hussain - il s'efforçait d'améliorer son écriture. C'était un élève très aimé des enseignants», a ainsi déclamé un élève pendant que les parents s'avançaient, derrière un portrait du défunt, pour recevoir une décoration posthume.

«Nous pensons beaucoup aux élèves qui ont perdu la vie», a souligné Abu Bakar, un enseignant lui-même blessé. «Ils étaient des étudiants innocents (...) ils venaient étudier, ils n'étaient en guerre avec personne».

Nombre d'écoles du pays sont restées fermées pour l'occasion.

Au deuil se mêlait la crainte de nouveaux attentats.

«La sécurité a été renforcée dans tout le pays et des effectifs de police supplémentaires ont été déployés dans les principales villes et (...) des lieux jugés sensibles», a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère de l'Intérieur.

À Peshawar, les routes étaient coupées et des soldats montaient la garde aux principaux ronds-points. L'école était bouclée par l'armée, et un hélicoptère survolait les lieux.

Offensive militaire

Sur les réseaux sociaux, nombre de Pakistanais affichaient sur leur profil une photo d'un uniforme de l'APS, vert et blanc, avec une blessure par balle en forme de coquelicot et une légende: «certaines taches sont indélébiles».

Deux survivants du massacre ont participé à une cérémonie du souvenir au même moment à Birmingham en Angleterre, avec le prix Nobel de la Paix Malala Yousafzai, qui a elle aussi été la cible des talibans en 2012, après avoir milité pour l'éducation des filles.

«J'ai toujours des cauchemars», a raconté Ahmad Nawaz, un ancien élève d'APS âgé de 14 ans. «J'ai vu mon professeur brûlé vif», se souvient-il. «J'étais entouré des cadavres de mes amis.»

Les talibans avaient indiqué à l'époque avoir agi en représailles à une offensive militaire en cours dans les zones tribales, leur chef de file Umar Mansoor assurant que «si nos enfants et nos femmes périssent, alors vos enfants ne s'en sortiront pas indemnes».

Mais l'attaque, qui a déclenché une onde de choc au Pakistan pourtant déjà éprouvé par une décennie d'attentats, a poussé l'opinion publique à réclamer davantage de mesures contre l'extrémisme.

Les autorités ont intensifié leur offensive militaire contre les groupes extrémistes armés qui opéraient auparavant en toute impunité dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais.

Cela a permis de réduire les attentats à leur plus bas niveau depuis 2007, l'année où les talibans pakistanais ont émergé -- mais à défaut de s'attaquer aux racines de la violence, le répit risque de ne pas durer, avertissent des critiques.

Quatre personnes ont été pendues dans leur prison en décembre, après avoir été condamnées à huis clos par l'armée pour leurs liens avec l'attaque de Peshawar -- au grand dam des parents, qui réclament des pendaisons publiques et des informations sur l'enquête.

Les proches des victimes souhaitent notamment une enquête judiciaire pour établir comment l'appareil sécuritaire pakistanais a pu manquer aussi cruellement à sa mission de protéger leurs enfants. Une douzaine de familles ont boycotté la cérémonie en signe de protestation.

Le premier ministre a déclaré le 16 décembre journée nationale pour l'éducation, assurant qu'il ne laisserait pas les extrémistes «éteindre la flamme du savoir».