Le bras de fer se poursuivait jeudi à Hong Kong entre militants prodémocratie et pro-Pékin avant un vote crucial sur une réforme électorale controversée qui avait précipité dans la rue des dizaines de milliers de personnes.

Le texte débattu au Conseil législatif (Legco, le Parlement local), pour un vote prévu d'ici vendredi, fixe les modalités de l'élection en 2017 du chef de l'exécutif de l'ancienne colonie britannique, revenue dans le giron de la Chine en 1997.

Tour à tour, les députés des deux camps prenaient la parole pour défendre ou dénoncer la réforme soutenue par Pékin.

De l'avis des observateurs, les députés prodémocratie ne devraient pas manquer de voter contre le projet, ce qui le priverait de la majorité des deux tiers nécessaires à son adoption.

Le projet de réforme prévoit pour la première fois d'instaurer le suffrage universel alors que le chef du gouvernement local était jusqu'alors désigné par un collège de grands électeurs loyal à Pékin.

Mais le Parti communiste chinois (PCC) gardera la haute main sur le processus puisque seuls deux ou trois candidats adoubés par un comité aux ordres seront autorisés à se présenter.

Les divisions politiques ont éclaté au grand jour à l'automne 2014 lorsque des dizaines de milliers de militants prodémocratie ont paralysé une partie de la ville plus de deux mois durant, donnant naissance au désormais célèbre «Mouvement des parapluies».

Ils dénoncent une «parodie de démocratie», mais le gouvernement de Hong Kong a répété à maintes reprises que le projet était à prendre ou à laisser.

«Même si nous n'obtenons pas un véritable suffrage universel, tant que nous n'abandonnons pas le combat, nous n'avons pas perdu», a déclaré le député Gary Fan du mouvement des néo-démocrates.

«Les perdants sont les gouvernements de Hong Kong et de Pékin, car ils ont perdu le coeur des Hongkongais», a-t-il lancé.

Complot présumé

Les députés pro-Pékin ont fait valoir au contraire que ce projet représentait une avancée, que le rejeter priverait les Hongkongais de l'occasion de voter et serait un facteur de déstabilisation supplémentaire.

«Si ce projet fait l'objet d'un véto aujourd'hui, alors que se passera-t-il ensuite? Y aura-t-il un nouveau Occupy?», a demandé Elizabeth Quat, membre de l'Alliance démocratique pour l'avancement de Hong Kong, un mouvement pro-Pékin. Elle faisait référence à l'occupation par le mouvement prodémocratie à l'automne de quartiers entiers de la ville réputée être un haut lieu de la finance internationale. «Où y aura-t-il d'autres bombes, d'autres armes destinées à concocter une révolte sanglante?».

Les mesures de sécurité ont été renforcées autour du Legco, situé au coeur du quartier financier et administratif de la ville, après l'annonce de la mise en échec d'un complot présumé.

Dix personnes ont été arrêtées lundi par la police et six d'entre elles ont été inculpées de conspiration en vue de la fabrication d'explosifs, dont cinq ont été placées en détention provisoire par la justice.

La police a dit que l'une d'elles revendiquait son appartenance à un «groupe radical local», identifié par la presse comme étant le Parti national indépendant (PNI), né en janvier dans la mouvance dite «localiste» qui veut prendre ses distances avec Pékin.

Ces arrestations suscitent méfiance et perplexité au sein du camp prodémocratie qui craint un coup monté pour discréditer son combat et favoriser le revirement de ses membres les plus modérés.

D'après le quotidien South China Morning Post, les suspects ont accusé les policiers de les avoir passés à tabac ou menacés, lors de leur comparution devant la justice mercredi.

En amont du débat parlementaire, le camp prodémocratie a remobilisé ses troupes pour organiser des rassemblements quotidiens à l'approche du vote, avec des succès divers.

Environ 300 manifestants étaient rassemblés devant le Parlement jeudi, dont une large majorité de militants pro-Pékin proclamant leur «soutien à Hong Kong pour qu'il adopte la réforme».

Dans le camp adverse, certains exprimaient leurs craintes que les députés prodémocratie ne tournent casaque et ne permettent malgré tout l'adoption du texte. «Je suis vraiment inquiet que certains députés prodémocratie ne changent leur fusil d'épaule», disait ainsi Terry Chik, un ouvrier du bâtiment de 44 ans.