Environ 2000 migrants, parmi lesquels nombre de Rohingyas, minorité musulmane considérée comme persécutée par l'ONU, ont été secourus près des côtes de l'Indonésie et de la Malaisie, après avoir été abandonnés vraisemblablement par leurs passeurs.

Ces migrants semblent être les victimes involontaires de la nouvelle politique de la Thaïlande, leur point de passage habituel, qui a décidé de réprimer le trafic des clandestins après la découverte de fosses communes contenant les dépouilles de plusieurs d'entre eux en pleine jungle.

Quatre bateaux de réfugiés avec environ 1400 personnes à bord ont gagné lundi les rivages malaisiens et indonésiens au lendemain de l'arrivée en Indonésie d'un premier groupe de près de 600 personnes et les autorités des deux pays craignent un nouvel afflux dans les jours à venir.

Parmi ces migrants figuraient au moins 92 enfants.

Chaque année, des dizaines de milliers de candidats à l'exil transitent par le sud de la Thaïlande, vers la Malaisie et au-delà, pour fuir la pauvreté au Bangladesh ou la violence dans le cas des Rohingyas de Birmanie, minorité musulmane considérée par l'ONU comme l'une des plus persécutées au monde.

Un millier de migrants affamés, originaires de Birmanie et du Bangladesh, ont touché terre depuis dimanche en Malaisie après avoir été abandonnés dans des eaux peu profondes au large de l'île touristique de Langkawi.

En Indonésie, les secouristes ont découvert lundi un nouveau bateau en train de dériver au large d'Aceh, sur la pointe nord de l'île de Sumatra. Cette embarcation transportait environ 400 hommes, femmes et enfants, venus de Birmanie et du Bangladesh, a dit à l'AFP le responsable des secours de la province d'Aceh, Budiawan, qui comme de nombreux Indonésiens ne porte qu'un seul nom.

Le navire, endommagé et abandonné par son capitaine, était toujours en haute mer lundi soir, suivi comme son ombre par la Marine indonésienne, selon son porte-parole, Manahan Simorangkir.

La Marine a fait porter à bord de l'eau et de la nourriture, mais Jakarta n'a pour l'heure aucune volonté de l'autoriser à toucher terre.

«Débarquer avant de mourir»

La Birmanie à dominante bouddhiste considère les quelques 1,3 million de Rohingyas comme des immigrants bangladais illégaux.

Le Bangladesh est à la «racine» du problème, a de nouveau affirmé lundi à l'AFP un responsable à la présidence birmane, Zaw Htay. «La question est de savoir si ces gens, qui disent être Birmans, viennent réellement de Birmanie», a-t-il insisté, rappelant que son gouvernement n'«accepte» pas le terme de «Rohingya».

Des dizaines de milliers de Rohingyas ont fui la Birmanie depuis les violences interethniques meurtrières de 2012.

Les clandestins prennent la mer au prix de leur vie, mais une fois dans le sud de la Thaïlande, ils se retrouvent la proie des trafiquants. L'exode s'accélère généralement à l'approche de la saison des pluies.

Chris Lewa, de l'association Arakan Project qui défend les droits de la minorité Rohingya, estime que des milliers de personnes sont bloquées en mer à la suite des campagnes de répression du trafic d'êtres humains lancées récemment en Thaïlande et en Malaisie.

«La Thaïlande tente d'empêcher les passeurs de faire leurs affaires (....), ce qui les contraint à partir ailleurs», a-t-elle dit à l'AFP.

«Les passeurs se servent des bateaux comme de camps. Les gens tentent tout simplement de débarquer avant de mourir» faute de nourriture, a-t-elle dit.

D'après les autorités indonésiennes, le premier bateau de 573 réfugiés arrivés à Aceh dimanche a été trompé par les passeurs. «Un des migrants qui pouvait parler le malaisien m'a raconté que leur agent leur avait dit qu'ils étaient en Malaisie et de nager jusqu'à la côte», a expliqué Darsa, un secouriste local.

Tegas, un responsable local des services de l'immigration, a expliqué que nombre des migrants se trouvaient «en état de choc» et «stressés psychologiquement».

«Ils avaient l'air triste, fatigué et désemparé, a-t-il dit à l'AFP.

Abdoul Rahim, un Bangladais de 25 ans parvenu à la nage sur le rivage de Langkawi, a expliqué à l'AFP qu'il avait passé 28 jours en mer sous la coupe de passeurs birmans, avec des centaines d'autres personnes, dans des conditions précaires.

«On nous a donné très peu d'eau et de nourriture. Quand j'en ai réclamé, j'ai reçu des coups de bâton et de barre de fer», raconte-t-il en montrant une entaille dans son dos.

En Indonésie musulmane, certains migrants ont été accueillis chez l'habitant. «Comme les migrants sont aussi des musulmans, les habitants ont de l'empathie pour eux et leur ont ouvert les bras, leur donnant nourriture, vêtements et eau», a expliqué Tegas.