Deux semaines après le séisme qui a ravagé le Népal et englouti plus de 8500 vies, les secours s'organisent toujours dans l'Himalaya. Des Québécois mettent la main à la pâte.

Routes de montagnes emportées, villages accessibles seulement à pied ou à dos d'âne, communications coupées, blessés sans soins, mousson imminente. Le relief spectaculaire du Népal, avec ses hameaux accrochés aux contreforts de l'Himalaya, complique la tâche des secouristes qui tentent de se rendre dans des communautés dévastées par le séisme d'il y a deux semaines.

Certaines n'ont reçu aucune aide depuis la catastrophe. «On vit énormément de frustration, parce qu'on sait que des gens ont besoin d'aide, mais on n'est pas capables de les atteindre rapidement, confie France Hurtubise, déléguée aux communications de la Croix-Rouge canadienne, qui se trouve au Népal depuis une semaine.

«Certaines équipes ont dû rebrousser chemin en tentant de se rendre dans certains secteurs parce que les routes sont bloquées. Pour les victimes souffrant de fractures ouvertes qui ne peuvent être traitées de façon urgente, ça signifie malheureusement que l'amputation devient la seule option possible pour qu'on puisse les sauver. Les difficultés d'accès sont le principal problème de notre intervention au Népal.»

Hôpitaux détruits



La Croix-Rouge canadienne a installé en début de semaine un hôpital de campagne dans le village de Dhunche, dans la région du Langtang, au nord de Katmandou, à près de 2000 mètres d'altitude, avec une équipe d'une dizaine de médecins et infirmières. L'hôpital de l'endroit, qui desservait toute la région, comportait 15 bâtiments; 14 ont été détruits lors du tremblement de terre.

Comme les blessés peuvent avoir de la difficulté à s'y rendre, la Croix-Rouge se déplace aussi dans les villages des environs avec une clinique mobile, dont les interventions sont cependant limitées par le mauvais état des routes.

C'est dans cette région qu'un village a été complètement enseveli par un éboulement, qui aurait fait 200 morts, dont neuf randonneurs étrangers.

Hier, une autre équipe est partie pour Tatopani, près de la frontière chinoise, dans la région voisine de Sindhupalchok.

«On a entendu dire que la situation y est épouvantable, qu'il y a eu des glissements de terrain et que des corps se sont retrouvés dans la rivière au fond de la vallée, indique France Hurtubise. En plus des blessés souffrant de coupures et de fractures à cause du tremblement de terre, on y trouverait plusieurs cas de diarrhée, de typhoïde et de pneumonie à cause de la contamination de l'eau, ce qui est préoccupant.»

Des tracteurs



Pour acheminer l'aide d'urgence aux villages isolés, Care International utilise parfois des tracteurs ou des porteurs, qui transportent sur leurs dos des bâches pour les abris temporaires, des produits d'assainissement de l'eau, des kits d'hygiène et de la nourriture. Dans les hameaux qui ne sont accessibles qu'à pied, on a l'habitude de tout transporter à dos d'homme. Mais même certains de ces sentiers ne sont plus praticables, à cause des éboulements provoqués par le séisme.

«Plus on atteint des endroits éloignés, plus la situation est complexe parce que les gens ont été laissés à eux-mêmes, sans aucune assistance, pendant plusieurs jours», explique Alain Lapierre, chef de l'équipe d'urgence de Care International au Népal.

Le Québécois, les yeux cernés après plus d'une semaine sur place, s'inquiète du fait que certains n'ont rien à manger depuis plusieurs jours et que les pluies sont de plus en plus fortes, alors que la saison vient de s'amorcer.

Comme le Népal est l'un des pays les plus pauvres de la planète, la population est déjà dans une situation très précaire, souligne-t-il. Les Népalais sont généralement très pacifiques, mais ces derniers jours, des organismes distribuant des denrées de première nécessité ont été accueillis dans certaines communautés par des gens en colère, frustrés par l'insuffisance de l'aide envoyée.

«Pour que les Népalais se mettent à réagir ainsi, il faut qu'ils soient désespérés», note M. Lapierre.

Le travailleur humanitaire, qui était auparavant en poste en Syrie et au Liban, en est à sa troisième mission dans un pays touché par un tremblement de terre dévastateur: il a été déployé en Haïti en 2010 et au Japon en 2011. «Dans ces deux endroits, on n'avait pas comme ici des secteurs complètement inaccessibles, coupés du reste du monde, dit-il. Ça rend notre intervention très complexe.»

Bureaucrates, profiteurs, fraudeurs



En plus de toutes ces difficultés, l'aide humanitaire est aussi retardée par la bureaucratie népalaise et par des commerçants malhonnêtes qui tentent de profiter de la situation.

Les douaniers ont eu ordre de redoubler de vigilance aux frontières, pour éviter que des produits entrent illégalement au pays, cachés dans des cargaisons de matériel destiné aux victimes.

Le gouvernement népalais a annoncé par ailleurs qu'il enquêterait sur des commerçants ayant doublé ou triplé leurs prix pour des denrées et des équipements de première nécessité comme des médicaments, de l'eau, du riz et des tentes, pour lesquels la demande est évidemment en forte hausse.

Des patients se sont aussi vu refuser des soins dans les hôpitaux, sous prétexte qu'ils n'avaient pas de quoi payer, alors que le gouvernement a annoncé qu'il paierait la facture pour toutes les victimes du tremblement de terre.

Le coordonnateur des Nations unies pour le Népal, Jamie McGoldrick, a indiqué avoir besoin de 415 millions US pour mener ses interventions d'urgence, alors qu'il n'a reçu que 22,4 millions US. Les efforts de reconstruction nécessiteront des sommes considérables, puisque 80% des maisons ont été détruites dans certaines régions, a-t-il aussi fait valoir.

Les Nations unies ont aussi envoyé une mise en garde aux ONG présentes sur place quant au risque d'épidémie, notamment de choléra, une maladie endémique au Népal. Ironiquement, après le séisme de 2010 en Haïti, les Casques bleus népalais venus participer à la mission de reconstruction avaient été accusés d'y avoir propagé le choléra, une maladie qu'on n'avait jamais observée dans le petit pays des Antilles.