L'exécution en Indonésie de huit condamnés à la peine de mort dont sept étrangers mercredi a provoqué des réactions de colère et d'inquiétude, l'Australie rappelant son ambassadeur, tandis qu'un Français et une Philippine sont dans l'incertitude après avoir obtenu un sursis fragile.

Deux Australiens, un Brésilien, quatre Africains et un Indonésien ont été fusillés peu après minuit dans le complexe pénitentiaire de l'île isolée de Nusakambangan, «l'Alcatraz indonésien», mais une jeune mère de famille philippine a été provisoirement épargnée au dernier moment.

Condamné à mort lui aussi pour trafic de drogue, le Français Serge Atlaoui, 51 ans, avait été retiré de la liste des exécutions la semaine dernière en raison d'un recours administratif en justice lui permettant d'obtenir un répit qui pourrait être de courte durée.

Furieuse contre l'exécution de ses deux ressortissants, l'Australie a annoncé le rappel de son ambassadeur, tandis que le président indonésien, Joko Widodo, a insisté sur «l'application de la loi» contre le trafic de drogue passible de la peine capitale en Indonésie, comme dans d'autres pays d'Asie du Sud-Est.

Le Brésil a fait part de sa «profonde consternation» après l'exécution de son ressortissant pour lequel les autorités avaient demandé la clémence en indiquant qu'il était schizophrène.

Les autorités nigérianes ont également fait part de leur «profonde déception» après l'exécution de quatre des leurs ressortissants et ont transmis leurs condoléances aux familles des victimes.

«Consternation» de l'UE 

Contre toute attente, la Philippine Mary Jane Veloso, 30 ans, a été épargnée du peloton d'exécution au dernier moment, après qu'une personne soupçonnée de l'avoir recrutée pour transporter de la drogue en Indonésie s'est rendue aux autorités aux Philippines.

Cette décision a été accueillie comme un miracle et un cadeau de Dieu aux Philippines, mais le procureur général d'Indonésie a d'ores et déjà prévenu qu'il s'agissait seulement d'un «report» pour permettre des investigations, la jeune femme risquant toujours la peine de mort.

Même inquiétude côté français. Serge Atlaoui s'est dit «anéanti» par cette vague d'exécutions alors qu'il «espérait que les condamnés soient sauvés comme lui l'a été», a déclaré à l'AFP son épouse Sabine.

Le Français reste «angoissé» et subit une «torture psychologique» provoquée par le procureur général d'Indonésie, Muhammad Prasetyo, qui multiplie les interventions dans les médias pour dire qu'Atlaoui sera exécuté rapidement, et seul, si son recours administratif est rejeté. Cependant aucune date d'audience n'a encore été fixée, a souligné l'épouse du condamné.

Parallèlement, «tout l'effort diplomatique continue» pour éviter l'exécution de Serge Atlaoui, selon le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

L'Union européenne a, pour sa part, exprimé sa «consternation» et appelé à un moratoire sur les prochaines exécutions dans le pays. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a fait écho à ce sentiment, affirmant que la peine de mort «n'a pas sa place dans le 21e siècle».

Les États-Unis ont quant à eux refusé de critiquer les exécutions en Indonésie, survenues le jour même où la Cour suprême a relancé la controverse pour ou contre l'abolition de la peine de mort, lors d'un vif débat sur la constitutionnalité d'une méthode d'exécution par injection.

la porte-parole du département d'État, Marie Harf,s'est contentée de souligner qu'«aucun des huit n'était américain».

D'autres exécutions envisagées 

Les huit hommes exécutés ont apparemment tous refusé d'avoir les yeux bandés comme ils en avaient la possibilité, et ont chanté des hymnes peu avant d'être fusillés par un peloton d'exécution dans une clairière au milieu de la jungle, selon un pasteur qui était présent.

À l'approche de minuit, des partisans en larmes ont aussi chanté des hymnes et tenu des bougies en l'air au cours d'une veillée à Cilacap, ville portuaire face à l'île de Nusakambangan.

Après les exécutions, des membres des familles de condamnés ont éclaté en sanglots, soutenus par des proches et amis, a constaté un journaliste de l'AFP.

L'Indonésie a défendu les exécutions de condamnés à mort pour trafic de drogue, considéré par les autorités comme un «crime», position soutenue par près de 85% de la population, selon un récent sondage. «Nous menons une guerre contre les horribles crimes liés à la drogue qui menacent la survie de notre nation», a déclaré le procureur général, Muhammad Prasetyo.

Il a minimisé la décision de l'Australie de rappeler son ambassadeur, estimant qu'il s'agissait d'une «décision temporaire», tandis que la chef de la diplomatie indonésienne, Retno Marsudi, a insisté sur sa volonté de «continuer à avoir de bonnes relations» avec ce pays qui est l'un de ses principaux partenaires commerciaux.

L'Indonésie envisage d'autres exécutions après celles de mercredi et du mois de janvier lorsque six condamnés à mort pour trafic de drogue, dont cinq étrangers, avaient été fusillés.