George Foulsham n'en revient toujours pas d'avoir survécu au gigantesque mur de neige qui a dévalé le mont Everest juste après le séisme. Pour lui, cette dernière catastrophe est un signe: le Toit du monde ne veut plus voir des alpinistes.

La directrice du bureau de l'AFP au Népal, Ammu Kannampilly, était en train de faire un reportage au camp de base, à environ 5500 mètres d'altitude, quand la montagne a tremblé samedi, faisant 18 morts et une soixantaine de blessés. Elle a pu parler à des survivants.

En ce début de saison, environ 800 alpinistes se trouvaient disséminés en divers endroits de l'Everest, d'après les estimations du président de l'Association d'alpinisme du Népal, Ang Tshering Sherpa.

Nombre d'entre eux tentaient à nouveau leur chance après avoir été privés d'ascension l'année dernière: la saison d'alpinisme avait été annulée après la disparition de 16 sherpas tués dans ce qui était jusqu'alors l'accident le plus meurtrier jamais survenu sur le sommet le plus haut du monde (8848 m).

«J'ai couru, couru, et la vague, semblable à un immeuble blanc de 50 étages, m'a aplati. J'ai essayé de me relever et elle m'a aplati à nouveau», raconte George Foulsham, un spécialiste de biologie de Singapour.

«Je n'arrivais plus à respirer, je croyais être mort. Lorsque je me suis finalement relevé, je n'arrivais pas à croire que la vague était passée sur moi et que j'étais quasiment indemne», lâche l'alpiniste de 38 ans.

Ce dernier s'était rendu au camp de base pour une seconde tentative après l'annulation de la précédente saison. «J'ai économisé pendant des années pour l'ascension de l'Everest, mais on dirait que la montagne est en train de nous dire qu'elle ne veut pas être gravie pour l'instant», dit-il. «C'est plus qu'une coïncidence de voir ça deux années de suite».

Ellent Gallant, une cardiologue américaine, raconte qu'elle a tenté de venir en aide aux blessés. Mais elle n'a pu sauver la vie d'une des victimes, un jeune sherpa.

«Il est mort sous mes yeux»

«J'ai couru jusqu'à la tente et je me suis jetée par terre. Lorsque les vibrations ont enfin cessé, la tente médicale m'a demandé, ainsi qu'à un alpiniste indien, un médecin militaire, de m'occuper des personnes blessées à la tête. On a travaillé toute la nuit, on faisait des rondes, on distribuait des médicaments, on installait des intraveineuses», décrit-elle.

«Mais l'un des neuf patients est mort: un sherpa de 25 ans. Sa tension artérielle avait dégringolé. On n'a rien pu faire», regrette la cardiologue.

Les conditions de traitement des blessés étaient rudimentaires, a expliqué l'Américaine. Lorsque les hélicoptères des secours ont pu commencer à atterrir dimanche, après en avoir été empêchés par les chutes de neige la veille, «on a su qu'on était sortis du bois».

«Les huit patients ont été évacués. Lorsqu'on va à l'école de médecine, on apprend à se concentrer sur ce qu'on fait. Mais là les choses se sont calmées et le contrecoup se fait sentir. Ce jeune homme de 25 ans qui est mort devant moi, il n'aurait pas dû mourir».

Pour Kanchaman Tamang, un cuisinier népalais employé par l'agence de trekking britannique Jagged Globe, qui a vécu le drame de la saison dernière, l'expérience a été particulièrement douloureuse.

«J'étais dans la tente des repas quand l'avalanche a frappé. La tente a carrément volé», témoigne ce cuisinier de 40 ans. «Après le désastre de l'année dernière, je n'étais pas inquiet. J'ai même raconté à ma famille que je travaillais au camp de base et que j'étais en sécurité».

Mais, poursuit-il, «la saison est terminée, les chemins sont détruits. Je ne crois pas que je reviendrai l'année prochaine. Cette montagne, c'est trop de douleur», soupire-t-il.

Chaque année, des centaines de grimpeurs venus du monde entier tentent l'ascension des sommets de l'Himalaya.

Il est vraisemblable que nombre des victimes de l'avalanche de samedi soient des étrangers. Parmi les rares alpinistes morts identifiés pour l'instant, figure Dan Fredinburg, un ingénieur américain travaillant pour Google aux États-Unis, a dit sa famille.

L'alpinisme est une source de revenus très importante pour le Népal, pays pauvre dominé par huit des 14 sommets les plus hauts de la planète, tous au-dessus de 8000 mètres.