Le gouvernement de Hong Kong a dévoilé mercredi sa feuille de route pour la prochaine élection du chef de l'exécutif sans la moindre concession au camp prodémocratie, ce qui fait craindre aux analystes de nouvelles manifestations de rue.

Des centaines de manifestants en colère faisaient face aux partisans du gouvernement mercredi à proximité du siège du gouvernement, alors que des dizaines de policiers patrouillaient dans les alentours, selon un journaliste de l'AFP.

Carrie Lam, numéro deux de l'exécutif de l'ancienne colonie britannique passée dans le giron de Pékin en 1997, a présenté le plan de réforme pour l'élection au suffrage universel, pour la première fois, du chef du gouvernement en 2017 au Conseil législatif (Legco, le Parlement local).

Mme Lam a expliqué que l'élection se ferait dans le «respect le plus strict» des règles édictées en août par Pékin.

L'Assemblée nationale populaire (ANP), chambre d'enregistrement législative du régime chinois, avait alors approuvé le principe «une voix, un vote».

Mais seuls deux ou trois candidats pourront se présenter à l'élection et ceux-ci devront avoir reçu l'aval d'un comité loyaliste, ce qui garantit, aux yeux du mouvement prodémocratie, l'élection d'un candidat inféodé à Pékin.

Pour protester contre les prérogatives du comité de sélection, des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue à l'automne. Des quartiers entiers de ce haut lieu de la finance internationale avaient été occupés avant que les autorités ne démantèlent les campements en décembre.

Depuis quelques semaines, des tentes sont venues s'ajouter à un petit noyau dur de tentes toujours dressées sur un trottoir près des bâtiments officiels, portant leur nombre à au moins 140.

Carrie Lam a confirmé que les électeurs auraient à choisir en 2017 entre deux ou trois candidats sélectionnés par un comité de 1200 membres. Sa composition reflètera celle du comité pro-Pékin qui a désigné jusqu'ici le chef de l'exécutif de la région autonome, a-t-elle dit.

«Ces propositions sont faites dans le respect le plus strict de la loi fondamentale (la Constitution de Hong Kong) et des décisions» des autorités chinoises, a-t-elle dit.

«En même temps, elles reflètent pleinement les opinions exprimées par les différents segments de la communauté», a-t-elle assuré. «Il n'est pas réaliste ou possible de s'attendre à ce qu'un paquet de propositions répondent aux aspirations de gens différents».



«Aucune place pour le compromis»

La plupart des députés prodémocraties sont alors sortis du Legco.

«Les prodémocraties condamnent fermement le gouvernement», a déclaré Alan Leong, du Parti civique. «Nous allons lancer une campagne pour nous opposer à cette proposition et demanderons au public de Hong Kong de continuer à réclamer un suffrage universel véritable», a-t-il dit.

Si le projet de loi est adopté dans les prochains mois, de nouveaux mouvements de protestation sont probables, estiment les analystes.

Les étudiants, fer de lance du camp prodémocratie, ont déjà agité l'idée d'un mouvement «Occupy Legco» qui tenterait de prendre possession du Parlement si le texte est adopté.

«Nous sommes complètement déçus», a commenté Joshua Wong, étudiant devenu l'emblème du mouvement. «Il appartient à la jeune génération» de s'opposer aux restrictions électorales, a-t-il ajouté.

Pour l'analyste Willy Lam, ces propositions «draconiennes, austères, sans aucune place pour le compromis» traduisent la ligne dure du président chinois Xi Jingping. «C'est le reflet de sa ligne bien plus conservatrice, pas seulement au sujet de Hong Kong, mais aussi Taïwan et le Tibet, a-t-il ajouté.

L'analyste s'est dit surpris en particulier que rien n'ait bougé concernant le comité de sélection des candidats, dont beaucoup s'attendaient à ce qu'il soit plus ouvert à l'homme de la rue. «Il est certain que jamais un démocrate ne pourra être un finaliste».

Les candidats pourront entrer dans la course avec le soutien de 120 membres du comité. Mais pour se présenter au suffrage des électeurs, ils devront avoir reçu l'aval de 50 % des membres de cette même instance.

«Si le gouvernement arrive à faire passer son texte, il est tout à fait possible que des milliers de protestataires encerclent le Legco», a ajouté Willy Lam.

Pour Sonny Lo, il existe même «une possibilité réelle de confrontation. Si la loi passe, «le mouvement va certainement durer un moment».

Les autorités ont annoncé que les mesures de sécurité seraient bientôt intensifiées autour du siège du gouvernement. À l'automne, alors que les manifestations présentaient en général un caractère plutôt bon enfant, la situation s'était tendue par moments et des manifestants avaient défoncé la porte vitrée du Legco.

PHOTO PHILIPPE LOPEZ, AFP

Un militant pro-Pékin tente de frapper un activiste prodémocratie, alors que les deux groupes de manifestants se font face à Hong Kong, le 22 avril.