Le pape François s'est posé vendredi aux Philippines en pourfendeur de la corruption, appelant les autorités à lutter contre des inégalités sociales «scandaleuses» et le dévoiement des ressources dans ce bastion catholique asiatique miné par la pauvreté.

Il faut que chacun proclame son «refus ferme de toute forme de corruption qui détourne les ressources destinées aux pauvres», a lancé le souverain pontife à l'occasion de son premier discours officiel dans l'archipel où il est arrivé jeudi. Il faut «briser les chaînes de l'injustice et de l'oppression qui donnent lieu à d'évidentes - et vraiment scandaleuses - inégalités sociales».

Le pape s'adressait aux autorités politiques et au corps diplomatique réunis au palais présidentiel, où il est arrivé dans une minuscule voiture banalisée, acclamé sur les trottoirs par une foule immense et enthousiaste. Aux Philippines, 80% des 100 millions d'habitants pratiquent un catholicisme extrêmement fervent.

Le souverain pontife, âgé de 78 ans, fait face à un programme chargé pendant son séjour dans l'archipel, et semblait fatigué et pâle. Mais cela ne l'a pas empêché de faire montre d'une grande énergie pour défendre les pauvres.

Environ un quart de la population de l'archipel vit avec moins de 60 cents américains par jour, selon les dernières estimations officielles.

Il faut changer les choses, a dit le souverain pontife, appelant les autorités à «réformer» les «structures sociales qui entretiennent la pauvreté et l'exclusion des pauvres».

«Il est maintenant plus que jamais nécessaire que les dirigeants politiques se distinguent par leur honnêteté, leur intégrité et leur responsabilité envers le bien commun», a également dit le pape.

Depuis son arrivée au pouvoir voici quatre ans, le président Benigno Aquino a lancé une vaste campagne anti-corruption qui a vu le placement en détention de sa prédecesseure Gloria Arroyo et de trois sénateurs pour des chefs de corruption.

Affluence record

Il a également orchestré la destitution du président de la Cour suprême pour les mêmes motifs et ses efforts ont été salués sur la scène internationale, même si les détracteurs du président l'accusent de concentrer ses attaques sur ses opposants et d'épargner ses alliés.

L'Église, toute puissante aux Philippines, a également son rôle à jouer dans le combat contre la pauvreté, d'après le souverain pontife. Celle-ci «est appelée à reconnaître et combattre les causes de l'inégalité et de l'injustice, profondément enracinées, qui salissent le visage de la société philippine», a dit le pape lors d'une messe célébrée en la cathédrale de Manille, un monument érigé au XVIe, au moment où la religion catholique faisait son apparition dans l'archipel colonisé par l'Espagne.

Le pape devait ensuite rencontrer des milliers de fidèles dans un stade qui a vu défiler ces dernières années des stars de la pop comme Bruno Mars, Lady Gaga ou Taylor Swift.

Ce second périple du pape argentin en Asie après son voyage en Corée du Sud est destiné à encourager une région perçue par le Vatican comme une terre d'avenir pour le catholicisme.

Le point fort du séjour devrait être la messe finale au Rizal Park de Manille dimanche, en dépit de prévisions météorologiques maussades, où un nombre record de fidèles pourrait affluer. D'après les organisateurs, jusqu'à six millions de fidèles y sont attendus, soit davantage que les cinq millions de personnes réunies par Jean Paul II en 1995, lors des Journées mondiales de la jeunesse qui avaient déjà eu lieu dans la capitale philippine.

Le pape est également attendu samedi à Tacloban, sur l'île de Leyte, à 650 km de Manille. En 2013, le super typhon Haiyan y avait fait 7.350 morts ou disparus.

Plus de 40.000 soldats et policiers seront déployés dans l'archipel où deux souverains pontife, Paul VI et Jean Paul II, ont été l'objet de tentatives d'assassinats.

«Cette année, cela représentera notre plus gros cauchemar en termes de sécurité», a commenté le chef de l'armée philippine, le général Gregorio Catapang.

Le président Benigno Aquino a supplié les Philippins de garder leur calme et d'éviter de créer des bousculades qui pourraient mettre en danger la sécurité du pape.

«Je vous le demande, voulez-vous qu'une tragédie impliquant le pape survienne aux Philippines et reste dans l'Histoire?», a-t-il lancé.

La veille, dans l'avion qui l'emmenait de Colombo au Sri Lanka à Manille, le pape s'était immiscé dans le débat sur la liberté d'expression qui fait rage depuis l'attentat meurtrier contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo en France la semaine dernière, en jugeant que ce «droit fondamental» n'autorisait pas à «insulter» ou moquer la foi d'autrui.