La police a interpellé jeudi plus de 200 manifestants restés sur le principal campement du mouvement prodémocratie à Hong Kong, probable épilogue de semaines de sit-in revendiquant l'instauration d'un véritable suffrage universel dans l'ex-colonie britannique, où les protestataires ont assuré que le combat continuait.

Des centaines de policiers ont envahi le site, un village de tentes et de barricades installé depuis 11 semaines dans le quartier d'affaires d'Admiralty, près du siège du pouvoir, démontant stands et barricades sur leur passage.

Puis ils ont fondu sur les irréductibles encore présents, parmi lesquels des leaders étudiants et des députés prodémocratie. Ils les ont emmenés un à un avant de les faire monter dans des véhicules de police, portant ceux qui refusaient de marcher.

Dans la soirée, plus de 200 personnes avaient été interpellées et seule une poignée de manifestants étaient encore sur place, selon un décompte d'un journaliste de l'AFP. La police a refusé de confirmer si elles avaient été arrêtées officiellement et si elles feraient l'objet de poursuites.

«Nous sommes pacifiques», «nous ne résistons pas», «nous voulons une vraie démocratie», criaient les protestataires.

Des parties de ce quartier d'affaires ont été rouvertes à la circulation jeudi soir pour la première fois depuis septembre.

Depuis le pic de la contestation le 28 septembre, lorsque les manifestants étaient descendus dans la rue par dizaines de milliers, le nombre de protestataires a nettement diminué dans le territoire passé sous tutelle chinoise. Et le soutien au mouvement de l'opinion publique, lassée par les embouteillages et les perturbations, s'est érodé.

Ces opérations d'évacuation faisaient suite à une décision de la Haute cour, saisie par des commerçants et des compagnies de transport en commun.

«Le feu de la démocratie»

Les huissiers de justice se sont présentés dans la matinée sur le campement. Les ouvriers ont commencé à démanteler les barricades qui avaient été érigées sur une autoroute à neuf voies, un des grands axes de circulation de l'île de Hong Kong, avant que les policiers prennent la relève.

Parmi ceux qui étaient emmenés par la police figuraient de grands noms du mouvement prodémocratie. «Désobéissance civile sans crainte», a crié la chanteuse Denise Ho tandis qu'elle était escortée par des officiers.

La députée Claudia Mo a lancé: «nous allons revenir». «Ce n'est pas la fin du mouvement», avait-elle assuré auparavant à l'AFP. «Le réveil de la conscience politique de la jeunesse est irréversible et le combat continue».

Jimmy Lai, magnat de la presse très critique à l'endroit de Pékin, a lui aussi été interpellé, de même que le vétéran de la campagne prodémocratie Martin Lee, qui a fait le «V» de la victoire à l'adresse de la meute de journalistes présents. «Au coeur de chaque étudiant qui a participé à ce mouvement, il y a désormais un feu qui couve, le feu de la démocratie. Ce feu ne pourra être éteint par une main de fer», s'est exclamé Martin Lee.

La police avait accordé un court délai aux protestataires pour quitter le site de leur plein gré ou risquer l'arrestation et nombre de manifestants étaient partis volontairement.

Certains disaient leur tristesse de n'être parvenus à aucun résultat concret, d'autres estimaient que le mouvement avait changé le visage de Hong Kong.

«Je suis triste car nous n'avons pas atteint notre but mais je pense que nous pourrons progresser à l'avenir», disait Dubi, 23 ans. «Je pense que c'est le début de quelque chose à long terme».

Le chef du gouvernement Leung Chun-ying avait assuré que les forces de l'ordre feraient un «usage minimal» de la force.

Les manifestants ont toujours prôné la non-violence mais des heurts parfois violents, faisant des dizaines de blessés, se sont produits lors du démantèlement de précédentes barricades.

Un autre campement plus petit, à Causeway Bay, temple du magasinage prisé par les Chinois du continent, était lui quasiment à l'abandon jeudi, quelques rares touristes y déambulant en prenant des photos. Un troisième campement, à Mongkok, dans la partie continentale de Hong Kong, a été évacué fin novembre.

Territoire chinois bénéficiant d'une large autonomie, l'ancienne colonie britannique a connu avec ces manifestations sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession à Pékin en 1997.

La Chine a accepté le principe du suffrage universel pour l'élection du prochain chef de l'exécutif en 2017 mais exige que les candidats reçoivent l'aval d'un comité loyaliste, ce qui garantit, aux yeux des manifestants, l'élection d'un candidat inféodé à Pékin.