La police de Hong Kong s'est retrouvée sur la défensive hier après avoir sensiblement musclé son approche envers les manifestants prodémocratie qui bloquent depuis quelques semaines le coeur de l'ex-colonie anglaise.

Une vive polémique a éclaté après la diffusion d'une vidéo montrant un groupe d'officiers en civil en train de battre à coups de pied et de poing un militant appréhendé dans la nuit de mardi à hier.

Un membre du Parti civique, Ken Tsang, qui soutient le mouvement de protestation, a subséquemment été identifié comme la cible de l'intervention policière. En conférence de presse, il a déclaré qu'il avait également été battu après avoir été amené dans un poste de police.

Son arrestation est survenue alors que les forces de l'ordre cherchaient à reprendre le contrôle d'un tunnel situé non loin des bâtiments gouvernementaux qu'un groupe de manifestants s'était efforcé de bloquer. Près d'une cinquantaine d'entre eux ont été arrêtés dans le processus.

Tom Grundy, journaliste et militant établi à Hong Kong qui suit de près l'évolution de la situation, a indiqué hier que les images montrant l'intervention contre Ken Tsang avaient indigné et alarmé la population, peu habituée à ce genre d'incident.

Une impulsion nouvelle?

L'épisode pourrait, selon lui, «galvaniser» le mouvement de protestation, qui s'était passablement essoufflé depuis une semaine.

«C'est un groupe minoritaire de manifestants qui voulaient bloquer le tunnel. Leur intervention aurait pu être une catastrophe en matière de relations publiques parce que beaucoup de résidants de Hong Kong commencent à perdre patience avec la contestation. L'approche des policiers a eu l'effet contraire», a déclaré M. Grundy.

Les autorités policières ont fait savoir dans la journée que les officiers mis en cause dans la vidéo avaient été rapidement identifiés et suspendus, et qu'une «enquête impartiale» serait menée afin de faire toute la lumière sur leurs agissements.

Amnistie internationale a indiqué que les responsables de cette «attaque vicieuse» devaient répondre de leurs actions en justice. «Ça donne la nausée de penser que certains policiers hongkongais se considèrent comme au-dessus de la loi», a déclaré le représentant local de l'organisation.

Les forces de l'ordre avaient commencé au cours des derniers jours à démanteler des barricades aménagées à divers endroits par les manifestants, qui ne se comptaient plus que par centaines avant-hier.

«Ce n'est pas clair, à ce stade, si les policiers vont vouloir faire profil bas pour minimiser les retombées des évènements de cette nuit ou s'ils vont continuer à gruger tranquillement l'étendue des camps de protestataires», a déclaré M. Grundy.

Retour à la case départ

La montée de tension dans la rue survient quelques jours après l'achoppement de pourparlers projetés entre le gouvernement et les associations étudiantes au coeur du mouvement.

Selon M. Grundy, des contacts ont été pris en coulisse en vue de relancer l'exercice, mais tout reste à faire. «Le processus est revenu à la case départ. Ils négocient sur les conditions de négociations», souligne-t-il.

Gérard Hervouet, qui est professeur au département de sciences politiques de l'Université Laval, juge peu probable que les pourparlers, s'ils se matérialisent, permettront de résoudre la crise.

Les manifestants souhaitent que le chef de l'exécutif de Hong Kong soit élu au suffrage universel à compter de 2017, mais les dirigeants chinois à Pékin ont clairement fait savoir qu'ils entendaient garder la main haute sur le processus de nomination. Et le ton des médias officiels, qui demeure très critique envers les manifestants, ne suggère aucun changement de cap.

«Si le mouvement se tasse dans les prochains mois, peut-être qu'un petit compromis pourrait être avancé, mais j'en doute», relève M. Hervouet.

Selon lui, le durcissement observé sur le terrain est «certainement imputable aux pressions qu'exerce Pékin sur la police de Hong Kong pour résoudre plus rapidement» la crise.

Malgré ces pressions et l'impatience d'une partie de la population, le professeur ne pense pas que le mouvement va disparaître à court terme.

La densité et la configuration de l'ex-colonie, note l'analyste, font en sorte qu'il est relativement facile pour un groupe même restreint de protestataires d'exercer «un pouvoir de nuisance» et de continuer à faire entendre ses revendications.