La visite rarissime en Corée du Sud de membres de l'entourage proche du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a permis de rétablir entre les deux rivaux, techniquement toujours en guerre, un niveau d'interaction qui n'existait plus depuis de longues années, disent les analystes.

Personne n'est en mesure de prédire si ce dialogue durera ou même permettra d'aboutir à des résultats concrets, mais le voyage samedi à Séoul de trois dirigeants de haut rang du régime nord-coréen en fournit l'occasion exceptionnelle.

«C'est énorme», commente Andrei Lankov, professeur d'études coréennes à l'Université Kookmin de Séoul. Ce niveau de représentation est «sans précédent». «En fait», cette visite a «fourni une ligne directe» de communication avec Kim Jong-Un, dit-il.

La délégation nord-coréenne était menée par le vice-président nouvellement élu de la Commission nationale de défense, Hwang Pyong-So, considéré comme le numéro deux du régime. Elle comprenait aussi Choe Ryong-Hae, perçu comme très proche du numéro un et Kim Yang-Gon, un haut responsable du parti au pouvoir.

Cette visite était d'autant plus surprenante qu'elle survenait dans un contexte de tensions militaires et d'attaques personnelles virulentes dans les médias officiels nord-coréens contre la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye.

En état de confrontation quasi permanente, les deux Corées n'ont pas signé de traité de paix après l'armistice de 1953. La réunification est de longue date un objectif solennel de part et d'autre de la frontière, mais l'opinion est de plus en plus réticente au Sud face au fossé économique séparant les deux pays.

Canal de communications crédible

Séoul n'a été informé que vendredi de l'imminence de ce voyage dont le but affiché était de permettre à la Corée du Nord d'être présente pour la cérémonie de clôture des Jeux asiatiques, auxquels ont participé ses athlètes.

John Delury, spécialiste de la Corée du Nord à l'université Yonsei de Séoul, parle d'un «très grand événement». «Si on est Park Geun-Hye et qu'on veut établir un canal de communications crédible avec Pyongyang, c'est l'équipe de rêve», dit-il.

Le premier résultat tangible de cette visite a été la décision de Séoul et de Pyongyang de reprendre leur dialogue, suspendu en février après avoir permis la réunion de familles séparées par la guerre (1950-53).

Séoul demandait en vain depuis lors à reprendre langue avec Pyongyang. La présidente a répété maintes fois que sa porte était ouverte, mais exigeait en préalable du Nord un geste vers l'abandon de son programme nucléaire.

«Ce n'est pas demain que la présidente va rencontrer Kim Jong-Un», mais en attendant, c'est une «chance en or» pour Séoul «de mieux comprendre à qui ils ont affaire», dit John Delury.

Les rumeurs vont bon train en Asie quant au sort du petit-fils de Kim Il-Sung, fondateur du régime communiste, qui n'a pas été vu depuis un mois. Âgé de 30 ou 31 ans, il avait été vu claudiquant en juillet.

Le Nord s'est borné à reconnaître que le dirigeant souffrait «d'indisposition». Lors de sa visite à Séoul, la délégation nord-coréenne a assuré qu'il n'avait aucun problème de santé.

Pour M. Delury, ce voyage visait aussi à signifier que la maison nord-coréenne est encore tenue. «C'est une manière de dire que même si quelque chose ne va pas avec le numéro un, le système lui se porte bien.»

Les relations avec la Chine, le plus important allié de Pyongyang, se sont quelque peu refroidies. La Corée du Nord, étranglée par les sanctions internationales, est passée à l'offensive diplomatique récemment pour tenter de sortir de son isolement. Son ministre des Affaires étrangères s'est même rendu à l'Assemblée générale de l'ONU pour la première fois depuis 1999.

«Ils sont passés à l'offensive de charme», juge Andrei Lankov. «Cela peut paraître bizarre en raison des attaques verbales contre Mme Park, mais nous avons constaté par le passé que c'est quand le Nord utilise le langage le plus grossier qu'il veut parler», a-t-il souligné.

La Corée du Sud n'a toutefois pas été diserte sur le contenu des échanges et des analystes, comme Yoo Ho-Yeol, de la Korea University, mettent en garde contre «le risque d'espoir déçu».