«Mettez votre gilet de sauvetage et ne bougez pas». Le message était répété en boucle par l'équipage aux passagers du traversier sud-coréen, dont le naufrage a causé la mort de plus de 300 personnes. Les écoliers qui ont survécu témoignaient lundi pour la première fois.

«Ils répétaient encore et toujours la même chose», a raconté une des adolescentes, dont 250 camarades d'école ont disparu le 16 avril lors de cette catastrophe. Comme les autres, elle a obéi aux ordres, jusqu'à ce que le bateau penche tellement que la porte de la cabine soit au-dessus de sa tête.

Les jeunes témoins sont arrivés dans un mini-bus rouge au tribunal d'Ansan, une ville au sud de Séoul où se trouve l'établissement fréquenté par les écoliers qui se trouvaient à bord du Sewol lors de l'accident. Ils étaient alors en voyage scolaire.

Le procès, qui s'est ouvert le 10 juin, se déroule à Gwangju, à 265 km au sud de Séoul, mais les juges et les avocats se sont déplacés pour deux jours au tribunal d'Ansan pour écouter les 17 lycéens survivants ayant accepté de témoigner.

«Les annonces par haut-parleurs disaient que nous devions mettre nos gilets de sauvetage et ne pas bouger», a déclaré une des témoins, précisant que le message était répété en boucle.

Avec les camarades de sa cabine, elle a obéi. Puis l'eau est entrée par le hublot. «La porte était au-dessus de notre tête. Nous avions nos gilets de sauvetage et la déléguée de ma classe a suggéré que nous attendions jusqu'à ce que l'eau nous porte vers le haut et que nous puissions sortir par le passage».

Certaines ont pu agripper à des meubles fixés aux parois, et de là, ont aidé d'autres jeunes filles à sortir par la porte alors que l'eau continuait de monter.

Rejetés vers l'intérieur

Une autre a raconté que lorsque le traversier a sombré, son groupe est parvenu à agripper et à remonter le long d'un escalier qui était alors à l'horizontale. Ils sont parvenus à une ouverture vers l'extérieur. Juste après qu'elle a sauté à l'eau, une énorme vague a tout balayé.

«Il y avait beaucoup d'élèves dans le couloir et la plupart ont été rejetés vers l'intérieur du bateau», a-t-elle dit.

Sur les 476 personnes à bord du Sewol, 325 étaient des étudiants de la même école, le lycée Dawon. Seuls 75 d'entre eux ont survécu.

Cette catastrophe maritime a plongé dans le deuil la Corée, traumatisée par la mort de tant d'adolescents.

Le traversier s'était immobilisé vers 9h00 du matin, pour une raison inconnue, et l'équipage a demandé aux passagers de ne pas bouger de leur siège et de leur cabine, pendant près de 40 minutes.

Lorsque le navire a commencé à piquer du nez, il était trop tard: les passagers ne sont pas parvenus à remonter les coursives inondées et se sont retrouvés piégés.

Dans les jours suivant la catastrophe, la télévision coréenne a diffusé les images filmées par un écolier avec son téléphone intelligent. Elles montraient un groupe d'adolescents plaisantant et évoquant le Titanic. Puis l'inquiétude monte, et enfin la panique, alors qu'on peut encore entendre les appels de l'équipage - via les haut-parleurs - à ne pas bouger.

Le capitaine du Sewol et trois gradés au sein de l'équipage sont accusés d'«homicides par grave négligence» et encourent la peine de mort. Les onze autres membres survivants - certains sont morts noyés - sont jugés pour des charges moins lourdes.

L'équipage a été voué aux gémonies, car il a abandonné le navire alors que des centaines de personnes étaient encore à bord. On reproche également aux membres d'avoir intimé l'ordre de ne pas bouger, au lieu de préparer l'évacuation. Le capitaine se défend en disant qu'il attendait l'arrivée des bateaux de secours.