Sanglots déchirants et menaces de mort ont empli mardi la salle d'un tribunal de Corée du Sud, où a repris le procès de l'équipage du Sewol, le traversier dont le naufrage en avril a tué 300 personnes, des écoliers pour la plupart, et traumatisé le pays.

La Cour a visionné des vidéos filmées depuis les canots et les hélicoptères des gardes-côtes, qui montrent le Sewol, un traversier à quatre ponts, en train de basculer puis de sombrer le 16 avril au matin, à quelques kilomètres de la côte méridionale de la Corée du Sud.

Ont ensuite été projetées les images filmées par un adolescent de 17 ans avec son téléphone intelligent. Le jeune homme est mort et l'appareil a été retrouvé dans sa poche. «Ce sera très dur à regarder», a prévenu le juge. «Mais nous devons savoir exactement ce qui s'est passé pendant ces instants».

Sur cette vidéo de neuf minutes - dont des extraits avaient été montrés à la télévision après l'accident -, le jeune homme blague avec ses camarades et compare le bateau au Titanic.

Mais l'angoisse monte peu à peu et les écoliers commencent à paniquer, alors que passent en boucle les appels de l'équipage à ne pas bouger, via les haut-parleurs du navire.

Sur les 300 personnes mortes ou disparues, 250 étaient des écoliers d'un établissement du sud de Séoul. L'accident a traumatisé le pays, puissance économique asiatique, qui s'en veut de ne pas avoir su protéger ses enfants.

Des dizaines de parents étaient présents dans la salle du tribunal de Gwangju (sud), où sont jugés le capitaine et plusieurs membres d'équipage, 15 accusés au total.

Ils ont attendu et ils sont morts

Quatre, dont le capitaine Lee Joon-seok, sont accusés d'homicide causé par négligence et encourent la peine de mort. Les autres doivent répondre d'accusations moins graves.

Les cris de colère et les insultes ont succédé aux sanglots lorsqu'ont été diffusées les images du capitaine et de l'équipage sautant du traversier dans les bateaux venus à la rescousse.

L'équipage est accusé d'avoir abandonné le navire, alors que des centaines de personnes étaient encore à bord, piégées. On leur reproche également d'avoir demandé aux passagers de rester dans leur cabine ou sur leur siège pendant trop longtemps - près d'une heure.

Lorsque le bateau a commencé à pencher, il était alors trop tard, les passagers ne parvenant plus à remonter des couloirs à l'oblique et rendus glissant par l'eau qui s'engouffrait.

Avant la diffusion des images, l'accusation avait utilisé une maquette du Sewol pour expliquer où se trouvaient les passagers avant que le navire ne sombre.

«Si les opérations d'évacuation avaient eu lieu à temps, ces écoliers auraient pu s'échapper par ces sorties», a déclaré le procureur en pointant du doigt différents endroits de la maquette.

«Mais quasiment tous ont attendu dans leur cabine et ils sont morts. Nous prouverons que cette issue fatale est due au comportement des accusés».

«Je vous tuerai!»

«Nous devrions tous les noyer!», a hurlé un père en montrant les accusés. Pourquoi réclamer des preuves supplémentaires?»

Une mère se précipite hors de la salle d'audience et ses hurlements de douleur résonnent dans le couloir adjacent. Un autre homme se lève et crie : «Fils de p..., je vous tuerai!».

Lorsque le juge tente de ramener le calme, d'autres proches des victimes soutiennent bruyamment leurs compagnons d'infortune. Une femme doit être maîtrisée alors qu'elle essaye de lancer ses chaussures contre le banc des accusés.

Au-delà de l'équipage, cloué au pilori par la population, la tragédie du Sewol a mis en lumière le laxisme des règlements de sécurité et les liens trop amicaux entre les entreprises et les autorités.

La négligence des autorités, la corruption et l'appât du gain sont les causes de cet accident, souligne un rapport commandité par l'État et publié ce mardi.

L'équipage a agi de manière «irresponsable» et les propriétaires du traversier «ont placé les profits financiers avant la sécurité des passagers», ajoute le rapport, qui recommande que onze hauts fonctionnaires soient jugés et 40 autres passent en conseil de discipline.

La police recherche depuis deux mois un homme d'affaires milliardaire, qui serait le véritable propriétaire, via un entrelacs de filiales, de la compagnie maritime dont dépendait le traversier. Sa fille a été arrêtée à Paris.

Le directeur de la compagnie et quatre responsables sont eux aussi poursuivis par la justice.