La dénonciation de la violence contre les femmes fait de plus en plus de bruit en Inde. Cette semaine, alors que deux autres femmes ont été trouvées pendues dans le nord du pays, un organisme a pris les grands moyens pour sensibiliser les passants passifs. Explications en trois temps.

1. Des cris

Une fourgonnette blanche stationnée en bord de rue, une nuit, à New Delhi. Les hurlements d'une femme à l'intérieur. Des passants tournent la tête. Plusieurs s'éloignent sans rien faire. D'autres réagissent: ils tapent sur les portières, tentent d'ouvrir le véhicule, alertent la police, cherchent un moyen de fracasser les vitres.

La vidéo mise en ligne depuis une semaine par une organisation indienne appelée YesNoMaybe a été vue 1,2 million de fois. Les concepteurs disent avoir mené cette «expérience sociologique» après avoir observé leurs concitoyens qui participaient à des manifestations contre la violence faite aux femmes. «Des milliers de personnes participent à des marches aux chandelles, mais seulement une poignée de gens agissent lorsque c'est vraiment important», indique le groupe sur YouTube.

2. Des voix

Cette semaine, deux femmes ont été trouvées pendues à un arbre dans l'État de l'Uttar Pradesh, dans le nord du pays. La première, découverte mercredi, était âgée de 45 ans et avait été violée, selon sa famille. La seconde, âgée de 19 ans et découverte jeudi, aurait également été victime d'un meurtre. Une autre femme a accusé quatre policiers de l'avoir violée lundi parce qu'elle aurait refusé de verser un pot-de-vin. Ces révélations ont continué d'attiser la colère des citoyens, qui accusent déjà d'inaction les autorités de l'État après la mort de deux adolescentes de 12 et 14 ans, trouvées pendues à un manguier, à la fin mai, après avoir été victimes d'un viol collectif. Les autorités de l'Uttar Pradesh «ont non seulement été incapables de protéger les femmes, mais ils n'ont même pas le contrôle de leur police», a dénoncé l'organisation National Commission for Women, toujours selon l'AFP.

3. Un silence

«On assiste dernièrement en Inde à la levée d'un tabou et à une hausse de la conscientisation des droits des femmes», observe l'anthropologue Karine Bates, directrice du Pôle de recherche sur l'Inde et l'Asie du Sud à l'Université de Montréal. L'Inde s'est dotée, depuis son indépendance, de nombreuses lois pour défendre les femmes, «mais leur mise en application reste un problème».

«La violence contre elles est de moins en moins acceptée, et les femmes peuvent de plus en plus en parler, notamment grâce à des organismes communautaires où elles tissent des liens de solidarité et où elles ne dépendent plus seulement de la famille. Ce changement est positif, mais il reste encore beaucoup de combats à mener», dit Mme Bates. La corruption de l'appareil judiciaire, par exemple, est un fléau qui mine l'avancement des femmes. «Et ça, ça affecte autant les femmes que les hommes.»