Le Pakistan a lancé lundi de nouvelles frappes aériennes sur la région tribale du nord-ouest, proche de l'Afghanistan, où l'armée déploie actuellement jusqu'à 30 000 hommes dans le cadre d'une vaste offensive militaire contre les rebelles talibans et d'Al-Qaïda.

L'offensive, qui avait démarré dimanche, intervient une semaine après une attaque sanglante contre l'aéroport de Karachi, le plus important du pays, qui avait enterré les pourparlers de paix entre talibans et gouvernement.

Dimanche, des frappes aériennes ont tué au moins 105 personnes, dont des rebelles présumés, ouzbeks, impliqués dans l'attaque contre l'aéroport.

Selon un responsable de la sécurité dans la région, les avions de combat ont bombardé lundi à l'aube deux écoles à l'ouest de Miranshah, principale ville du Waziristan, tuant au moins dix militants ouzbeks qui s'y étaient réfugiés.

Islamabad s'est ainsi décidé à attaquer les combattants islamistes dans leur repaire du Waziristan du Nord, une demande de longue date des États-Unis car la zone est également une base arrière des talibans afghans en guerre contre les Occidentaux en Afghanistan.

«A la demande du gouvernement, les forces armées ont lancé une grande opération militaire contre les terroristes locaux et étrangers qui se cachent dans leurs repaires du Waziristan du Nord», a annoncé l'armée pakistanaise dans un communiqué publié dimanche soir.

Le ministre de la Défense Khawaja Asif a déclaré que le dialogue était terminé et que le pays ne pouvait plus tolérer des attaques «contre des Pakistanais innocents et des biens du pays». «L'opération continuera jusqu'à ce que l'ennemi se rende ou soit éliminé».

Venger les raids aériens

Le Waziristan du Nord, l'une des sept zones tribales du nord-ouest accolées à la frontière afghane, est le bastion n°1 du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), principal groupe rebelle du pays et jugé responsable d'attentats qui ont tué plus de 6000 personnes depuis 2007, et de ses alliés étrangers d'Al-Qaïda.

L'armée a fermement affiché son - ambitieux - objectif: nettoyer définitivement la zone et le pays des combattants islamistes.

L'opération est menée à la fois par l'aviation, l'artillerie, des tanks et des troupes au sol, selon des témoins et sources militaires.

L'armée avait commencé depuis plusieurs jours à déplacer des soldats et renforcer ses bases dans ce territoire montagneux et reculé, selon des habitants.

Plusieurs milliers de soldats ont déjà été mis en mouvement, et «25 000 à 30 000 soldats vont participer» à l'opération, selon un officier de l'armée basé à Miranshah.

Dans un mail adressé aux médias, le porte-parole des talibans, Shahidullah Shahid, a juré de venger les raids aériens, sans fournir plus de détails.

La région était sous tension, après les bombardements aériens et d'artillerie, au quatrième jour sous un couvre-feu décrété par l'armée.

Dans le village de Sarai Darpa Khel, deux personnes ont été grièvement blessées dimanche par des soldats pour avoir violé ce couvre-feu, symbole d'une armée désormais plus agressive dans cette région où elle avait pris l'habitude de cohabiter avec les groupes rebelles, évitant notamment de sortir de ses bases la nuit.

Une offensive de deux semaines

Dans plusieurs villes, les hauts-parleurs des mosquées ont diffusé dimanche des messages appelant les habitants à réciter des versets du Coran et à prier pour les centaines de milliers d'habitants toujours sur place, voire à quitter carrément les lieux, selon des habitants.

Avant même le début de l'offensive, 40% du demi-million d'habitants du Waziristan du Nord avaient quitté le district, selon des responsables locaux, effrayés par les rumeurs de prochaine offensive terrestre de l'armée.

Dimanche, 10 000 autres ont quitté la zone et franchi la frontière pour aller dans l'est afghan, selon les mêmes sources.

Selon des témoins, les combattants islamistes les plus recherchés sont eux aussi partis peu à peu, passant pour nombre d'entre eux dans l'Afghanistan voisin, que les forces de l'Otan auront définitivement quitté en fin de l'année.

Outre le repaire des talibans pakistanais du TTP et des jihadistes étrangers (Ouzbeks, Tchétchènes, Turkmènes, Chinois Ouighours, Afghans ...), le Waziristan du Nord est également la base arrière des rebelles talibans afghans du réseau Haqqani, connu pour ses sanglantes attaques contre les forces américaines et de l'Otan dans l'Afghanistan voisin.

Haqqani est également connu pour ses liens historiques avec les services pakistanais, un élément qui n'est selon certains observateurs pas étranger au fait qu'Islamabad a longtemps hésité avant de lancer une grande opération militaire au Waziristan du Nord.

Pour l'ancien général et analyste Talat Masood, l'offensive devrait durer environ «deux semaines», le temps de stationner plus de soldats dans la zone pour pouvoir la contrôler totalement, et être achevée au début du mois de jeûne du ramadan, le 28 juin.

Mais pour que cette opération réussisse, il faudra résoudre le problème de la porosité de la frontière afghano-pakistanaise, qui permet depuis longtemps aux combattants de survivre en allant et venant librement entre les deux pays, souligne-t-il.