La junte militaire au pouvoir en Thaïlande a annoncé vendredi l'arrestation d'un de ses principaux opposants, qui menait la campagne contre le coup d'État sur les réseaux sociaux et appelait à défier l'interdiction de manifester.

Sombat Boonngamanong a été arrêté jeudi soir dans la province de Chonburi (est). «Nous avions une équipe qui le traquait via l'internet», a confirmé à l'AFP Sirichan Ngathong, porte-parole de la junte.

Sombat était sur une liste de centaines de personnalités - hommes politiques, intellectuels ou journalistes - convoquées par l'armée, dans la foulée du coup d'État du 22 mai.

Ceux qui s'étaient rendus à la convocation, dont l'ex-première ministre Yingluck Shinawatra, avaient été détenus pendant plusieurs jours. Ils avaient ensuite dû s'engager par écrit à ne plus faire de politique.

Sombat, célèbre défenseur de la démocratie et figure des Chemises rouges (mouvement pro-Shinawatra), avait refusé de se rendre.

Il sera détenu jusqu'à une semaine, «temps durant lequel les militaires l'interrogeront sur ses mouvements, son comportement et ses appels» à résister, a précisé un responsable à l'AFP.

Il sera ensuite présenté à un tribunal militaire, où il risque jusqu'à deux ans de prison pour avoir refusé de se plier à la convocation.

Il avait publié sur Facebook le message «Arrête-moi si tu peux». La formule était depuis reprise par les opposants au coup d'État, qui portaient pour certains des masques de Sombat lors de manifestations éclair interdites.

C'est également Sombat qui était à l'origine de la popularisation du signe de reconnaissance inspiré du film The Hunger games: trois doigts levés en signe de défiance vis-à-vis de la junte. Manifestants et internautes ont adopté le signe.

L'ONG internationale Human Rights Watch a dénoncé la «chasse à l'homme» ayant conduit à cette arrestation, qui sera suivie par «un procès de pacotille» selon elle.

«Les aspirations demeurent»

L'arrestation de Sombat était largement commentée sur les réseaux sociaux vendredi. «Même si Sombat a été arrêté (...) les aspirations du peuple thaïlandais à la liberté et à la démocratie demeurent», écrit sur Twitter le journaliste Pravit Rojanaphruk.

«Qu'a-t-il fait de mal? A-t-il tué quelqu'un?», commente un internaute sur la page Facebook de Sombat, très suivie.

L'armée a expliqué avoir pris le pouvoir le 22 mai pour restaurer l'ordre public après sept mois de manifestations contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin Shinawatra, milliardaire chassé de son poste de premier ministre en 2006 par un coup d'État.

Mais l'annonce de son maintien aux manettes pendant plus d'un an, sans élections, a suscité des critiques, y compris de la communauté internationale. À cela s'ajoute un couvre-feu, un contrôle des médias et une interdiction de manifester.

Les hommes politiques du parti Puea Thai, balayés du pouvoir par le coup d'État, et les leaders des Chemises rouges le soutenant, se sont faits très discrets après le coup d'État, soit parce qu'ils ont signé l'engagement de se retirer de la politique, soit parce qu'ils sont en fuite.

Yingluck elle-même a été libérée, mais elle reste soumise à une surveillance militaire. Et la Commission nationale anticorruption a annoncé jeudi une opération de contrôle des biens de l'ex-première ministre, dans le cadre de l'enquête concernant un programme de subvention aux riziculteurs.

Quelques personnalités ont fait le choix de la défiance vis-à-vis de la junte, comme Sombat ou l'ex-ministre de l'Éducation Chaturon Chaisang.

Celui-ci avait été interpellé sous les yeux de la presse internationale fin mai alors qu'il venait de critiquer la junte. La justice militaire a annoncé vendredi prolonger sa détention, avant de le libérer sous caution.

Depuis le putsch de 2006, le Royaume de Thaïlande est englué dans une série de crises entre les ennemis et les partisans de Thaksin Shinawatra.

Malgré son exil, le milliardaire reste le facteur de division entre les masses populaires du Nord et du Nord-Est, qui lui sont fidèles, et les élites de Bangkok proches du Palais et soutenues par l'armée, qui le voient comme une menace pour la monarchie.