Le gouvernement pakistanais a suspendu vendredi la première chaîne d'information du pays, Geo News, contestée par l'armée depuis qu'elle a accusé les puissants services secrets d'avoir tenté d'assassiner son journaliste vedette.

Cette décision constitue selon certains observateurs un camouflet pour la liberté d'expression dans le pays, et la preuve que la puissante armée rechigne à accepter la critique.

L'Autorité gouvernementale de régulation des médias électroniques (PEMRA) a annoncé dans un communiqué avoir «décidé à l'unanimité de suspendre immédiatement la licence» de Geo News «pour une période de 15 jours» et lui avoir infligé une amende de 10 millions de roupies (près de 112 000 $).

La chaîne privée Geo News est en conflit avec les services secrets de l'armée (ISI) depuis la tentative d'assassinat de son journaliste vedette, Hamid Mir, en avril à Karachi (sud).

Peu après cet assaut, son employeur a diffusé en boucle la photo du général Zaheerul Islam, patron de l'ISI, et relayé le témoignage du frère de la victime accusant ouvertement ces forces d'avoir orchestré la tentative de meurtre.

Furieux, le ministère de la Défense a ensuite écrit à la Pemra en accusant Geo de mener «une campagne malveillante, calomnieuse et scandaleuse» visant à discréditer les institutions du pays, et en lui demandant de suspendre sa licence de diffusion.

Plusieurs journalistes du groupe Jang, propriétaire de Geo, ont indiqué depuis avoir reçu des insultes et menaces. Lundi à Multan (centre), un correspondant local du quotidien du groupe a été sévèrement roué de coups en sortant de son bureau. Geo s'est également attiré les foudres des conservateurs religieux à propos d'une de ses émissions matinales.

Dans les deux cas (Hamid Mir et l'émission matinale), Geo s'est excusée, ce qui ne lui a pas été suffisant pour éviter la suspension.

Au Pakistan, l'équilibre demeure fragile entre le gouvernement civil et les militaires, au pouvoir pendant trois décennies, auteurs de plusieurs coups d'État depuis l'indépendance de 1947 et régulièrement accusés de faire disparaître des opposants.

Et si la Constitution garantit la liberté d'expression, elle autorise également des restrictions pour des atteintes à la religion musulmane et à l'intégrité du puissant appareil militaire.

Le gouvernement a annoncé la formation d'une commission d'enquête sur la tentative de meurtre de Hamid Mir, qui n'a pas été revendiquée.

Si les journalistes sont régulièrement attaqués au Pakistan, l'un des pays les plus dangereux pour les médias, les auteurs de ces assauts ne sont jamais arrêtés, à quelques très rares exceptions près. Les journalistes sont eux régulièrement l'objet de pressions de la part des autorités comme des rebelles talibans.