Les autorités vietnamiennes ont déployé dimanche des forces de police pour étouffer dans l'oeuf des manifestations antichinoises, après plusieurs jours de violences, alors que Pékin évacue ses ressortissants et suspend des échanges bilatéraux.

La Chine a évacué plus de 3000 de ses ressortissants et envoyé cinq navires pour en ramener des centaines d'autres, selon les médias officiels chinois.

Deux Chinois sont morts et 135 autres ont été blessés, selon les autorités, tandis que des usines contrôlées par des capitaux étrangers, chinois mais aussi taïwanais, coréens ou singapouriens, ont été détruites par les émeutiers.

Dimanche, des centaines d'hommes en civil ou en uniforme patrouillaient près de l'ambassade de Chine à Hanoi, dans les rues de la capitale et d'autres villes où étaient prévues de nouvelles manifestations pour protester contre le déploiement d'une plateforme pétrolière par Pékin près des Paracels, des îles que revendiquent les deux voisins communistes.

Des groupes de militants ont indiqué sur leurs blogues que plusieurs des leurs avaient été arrêtés par la police vietnamienne ou empêchés de sortir de chez eux.

Ces émeutes antichinoises sont les plus violentes à se produire au Vietnam depuis des décennies et elles risquent d'ébranler la confiance des investisseurs étrangers dans le pays, poussant ainsi le gouvernement à tenter d'y mettre un terme, après avoir laissé faire pendant plusieurs jours.

Rassurer les investisseurs étrangers 

Les autorités ont reçu ordre «de faire le nécessaire pour empêcher avec la plus grande fermeté des manifestations illégales susceptibles de troubler l'ordre et la sécurité publics», avait averti samedi le premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung.

Pékin a accusé Hanoï de «connivence» avec les émeutiers. La Chine a annoncé dimanche la suspension de programmes d'échanges bilatéraux en raison de «l'atmosphère assombrie», sans préciser la teneur de ces programmes.

Les experts estiment que Hanoï a pu se laisser dépasser par la colère populaire antichinoise, après avoir pensé instrumentaliser les manifestations.

Mais le pays dépend fortement des investissements étrangers pour son développement.

«Nous demandons aux pays de continuer à rassurer leurs investisseurs et leurs citoyens quant à l'activité économique au Vietnam», a souligné samedi Dang Minh Khoi, collaborateur du ministre des Affaires étrangères, assurant que les actes «regrettables» des jours passés «ne se reproduiraient pas».

Les Paracels, des îlots coralliens entre le nord Vietnam et le nord des Philippines, sont revendiqués par Pékin et Hanoï, mais sont contrôlés par la Chine depuis 1974, date d'une bataille navale entre les deux pays qui avait causé la mort d'une cinquantaine de Vietnamiens.

Animosité historique 

Comme les îles Spratleys voisines, les Paracels suscitent la convoitise car elles sont situées sur des voies maritimes fréquentées, leurs eaux sont poissonneuses et les sous-sols marins pourraient être riches en hydrocarbures.

Le conflit prend ses racines dans une animosité historique entre les deux voisins communistes et un nationalisme fort des deux côtés.

En 1979, les deux pays s'étaient affrontés lors d'une guerre, brève mais sanglante, déclenchée par la Chine en réplique au renversement du régime khmer rouge au Cambodge, allié de Pékin, par l'armée vietnamienne. Pékin et Hanoï ont également livré bataille en 1988, à propos des Spratleys.

La Chine revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale et s'oppose ainsi à plusieurs pays de la région: les Philippines, Taïwan, Brunei, la Malaisie. Ses relations sont aussi très tendues avec le Japon, à propos d'îles en mer de Chine orientale.

Ces derniers jours, les manifestations antichinoises se sont étendues à 22 des 63 provinces du Vietnam, pays de 90 millions d'habitants et tenu par un régime autoritaire qui ne tolère habituellement pas les mouvements de protestation.

Les foules en colère ont mis le feu à des usines détenues par des Chinois, mais aussi par des Taïwanais, Sud-Coréens et Singapouriens.

Selon les experts, derrière la ferveur patriotique animant les manifestants, se cache aussi un mécontentement latent envers les entreprises étrangères, qui font travailler leurs ressortissants plutôt que des Vietnamiens.