La Chine a évacué du Vietnam plus de 3000 de ses ressortissants et déployé cinq navires pour en rapatrier d'autres, selon les médias officiels chinois, alors que de nouvelles manifestations sont prévues dimanche dans les grandes villes vietnamiennes.

Plus de 3000 Chinois ont été évacués, indique un décompte effectué samedi après-midi et publié dimanche par l'agence officielle Chine nouvelle.

«Ils sont rentrés en Chine avec l'assistance de l'ambassade chinoise au Vietnam», a précisé l'agence, qui cite le ministère chinois des Affaires étrangères.

Pékin s'apprête à envoyer un avion et un navire pour évacuer les employés de «China 19th Metallurgical Corporation», un sous-traitant d'une des entreprises les plus endommagées par les émeutes de ces derniers jours.

Seize ressortissants chinois «grièvement blessés» ont eux aussi été rapatriés à bord d'un avion médicalisé dimanche matin, a ajouté Chine nouvelle, sans préciser l'entreprise pour laquelle ils travaillaient. Les émeutes ont fait deux morts chinois, avait indiqué Pékin en fin de semaine.

Et la Chine envoie cinq navires supplémentaires pour ramener d'autres citoyens, a encore dit l'agence, citant cette fois le ministère des Transports.

Pékin avait conseillé samedi à ses ressortissants de ne pas se rendre au Vietnam, théâtre depuis plusieurs jours d'émeutes anti-chinoises les plus violentes depuis des décennies.

Animosité historique

Le déploiement par la Chine début mai en mer de Chine méridionale d'une plateforme pétrolière, dans les eaux disputées des îles Paracels, a mis le feu aux poudres d'une crise qui couve depuis des années.

Selon Hanoï, Pékin a envoyé 80 navires, y compris militaires, pour protéger la plateforme.

Les Paracels, des îlots coralliens entre le nord Vietnam et le nord des Philippines, sont revendiqués par Pékin et Hanoï mais sont contrôlés par la Chine depuis 1974, date d'une bataille navale entre les deux pays qui avait causé la mort d'une cinquantaine de Vietnamiens.

Comme les îles Spratleys voisines, les Paracels suscitent la convoitise car elles sont situées sur des voies maritimes fréquentées, leurs eaux sont poissonneuses et les sous-sols marins pourraient être riches en hydrocarbures.

Le conflit prend ses racines dans une animosité historique entre les deux voisins communistes et un nationalisme fort des deux côtés.

En 1979, les deux pays s'étaient affrontés lors d'une guerre, brève mais sanglante, déclenchée par la Chine en réplique au renversement du régime Khmer rouge au Cambodge, allié de Pékin, par l'armée vietnamienne. Pékin et Hanoï ont également livré bataille en 1988, à propos des Spratleys.

La Chine revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale et s'oppose ainsi à plusieurs pays de la région: les Philippines, Taïwan, Brunei, la Malaisie. Ses relations sont aussi très tendues avec le Japon, à propos d'îles en mer de Chine orientale.

Ferveur patriotique

Ces derniers jours, les manifestations anti-chinoises se sont étendues à 22 des 63 provinces du Vietnam, pays de 90 millions d'habitants et tenu par un régime autoritaire qui ne tolère habituellement pas les mouvements de protestation.

Les foules en colère ont mis le feu à des usines détenues par des Chinois, mais aussi par des Taïwanais, Sud-Coréens et Singapouriens.

Selon les experts, derrière la ferveur patriotique animant les manifestants, se cache aussi un mécontentement latent envers les entreprises étrangères, qui font travailler leurs ressortissants plutôt que des Vietnamiens.

Dans leur appel à manifester dimanche, les organisations vietnamiennes non gouvernementales ont incité les participants à agir dans le calme. Les «incidents violents des derniers jours ont terni l'image de nos manifestations patriotiques et du peuple vietnamien», déclare la coordination.

Les autorités ont reçu ordre «de faire le nécessaire pour empêcher avec la plus grande fermeté des manifestations illégales susceptibles de troubler l'ordre et la sécurité publics», a averti samedi le premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung.

Pékin accuse Hanoï de «connivence» avec les émeutiers.

Les experts estiment que Hanoï a pu se laisser dépasser par la colère populaire anti-chinoise, après avoir pensé instrumentaliser les manifestations.