Il raffole des bains de foule, se présente en public vêtu de t-shirts heavy métal et traîne avec lui une rare réputation d'honnêteté. L'actuel gouverneur de Jakarta, Joko Widodo, semble en selle pour devenir en juillet le prochain président de l'Indonésie depuis que son parti a remporté les élections législatives mercredi. Portrait en trois temps de celui que les Indonésiens surnomment «Jokowi».

Bains de foule et heavy métal

En Indonésie, on les appelle «blusukan» - des visites impromptues au cours desquelles les politiciens débarquent dans les quartiers populaires pour manger des brochettes ou acheter des chaussettes au marché.

Jokowi en a fait sa marque de commerce à tel point que le mot lui est désormais invariablement associé.

«Il a vraiment quelque chose, une habileté très unique à connecter avec les gens, à leur faire sentir qu'il est de leur côté», explique à La Presse Simon Long, rédacteur en chef pour l'Asie du magazine The Economist, qui l'a suivi sur le terrain.

À 52 ans, Jokowi se présente souvent en public vêtu d'un simple t-shirt à l'effigie d'un groupe heavy métal, une musique dont il raffole. Il s'est même déjà fait offrir une guitare basse par le groupe Metallica.

Simon Long ne peut s'empêcher de noter le contraste avec l'actuel président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono (SBY).

«SBY est grand, digne, distant, présidentiel. Jokowi est petit, maigre, bavard, assez agité. Il n'est pas un grand orateur. Et pourtant, il dégage un étrange charisme», dit le journaliste, qui parle d'une «vague» pour décrire l'engouement que déclenche le politicien aux quatre coins de l'Indonésie.

«C'est un populiste, mais pas nécessairement dans le mauvais sens du terme», ajoute Dominique Caouette, directeur du Centre d'études de l'Asie de l'Est au CERIUM de l'Université de Montréal.

Une aura d'honnêteté

Celui qui a fait ses classes comme maire de la ville de Surakarta, puis comme gouverneur de la mégapole Jakarta, dégage une aura d'intégrité plutôt rare dans la classe politique indonésienne.

«Jusqu'à maintenant, sa réputation en est une d'incorruptible, et il a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Mais les modes de gouvernance sont instaurés depuis longtemps et il va se heurter à des intérêts puissants», prédit Stéphane Bernard, spécialiste de l'Asie du Sud-Est à l'UQAM.

Membre du Parti démocratique indonésien de lutte, la principale formation d'opposition du pays, Jokowi était commerçant de meubles avant de se lancer en politique, et n'est donc pas associé aux dynasties familiales qui contrôlent de larges pans de la politique et l'économie indonésienne.

«Il arrive comme une bouffée d'air frais, dit Stéphane Bernard. Mais il faudra voir s'il passe le test de la réalité.»



Un pragmatique intrigant

Malgré son immense popularité, on en connaît peu sur la direction dans laquelle Joko Widodo veut amener l'Indonésie.

«Il a émergé récemment comme candidat présidentiel et n'a jamais eu à se prononcer sur les politiques économiques nationales ou la politique étrangère», souligne Simon Long, du magazine The Economist.

Comme gouverneur de Jakarta, Jokowi s'est forgé une réputation de pragmatique, s'attaquant à la corruption, aux problèmes de transport et aux inondations. Il a aussi mis sur pied un programme de soins médicaux gratuits et mis l'accent sur l'éducation.

«Il est vu comme un technocrate efficace capable de livrer des résultats», dit Dominique Caouette, du CERIUM.

Si Jokowi devient président, M. Caouette s'attend à ce qu'il soit un acteur de modernisation et garde le pays ouvert aux investissements étrangers. Musulman pratiquant, Jokowi avait choisi un colistier catholique membre de la minorité chinoise à Jakarta, ce qui laisse croise qu'il défendra un futur séculier pour le plus grand pays musulman de la planète.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Joko Widodo vêtu d'un t-shirt de Metallica lors d'un concert.