La Birmanie a ordonné à Médecins sans frontières (MSF) de «cesser toute activité dans le pays», a annoncé vendredi l'ONG dans un communiqué, dénonçant une décision qui va priver de soins des dizaines de milliers de personnes.

«MSF est profondément choquée par cette décision unilatérale et extrêmement inquiet concernant le sort de dizaines de milliers de patients dont nous nous occupons actuellement à travers le pays», a déclaré l'organisation.

Cette décision du gouvernement birman «va avoir un effet dévastateur sur les 30 000 patients atteints du sida et les plus de 3000 patients traités pour la tuberculose», a-t-elle ajouté, précisant être en discussion avec les autorités pour permettre la reprise des activités.

MSF a souligné que ses cliniques à travers le pays étaient restées fermées vendredi pour la première fois en 22 années d'activités en Birmanie.

«Il n'y a aucune autre organisation non gouvernementale qui opère à l'échelle de MSF avec l'expérience et l'infrastructure pour fournir des services médicaux qui sauvent des vies».

Le système de santé birman a été laissé en ruines par un demi-siècle de dictature militaire, qui a pris fin avec la dissolution de la junte en 2011.

MSF est notamment le premier fournisseur de traitements contre le sida en Birmanie et fournit également des soins de santé primaires dans plusieurs zones isolées de l'État de Rakhine (ouest) peuplées majoritairement de membres de la minorité musulmane apatride des Rohingyas.

Et le groupe lauréat du prix Nobel de la paix a été récemment soumis à des pressions grandissantes après avoir traité des blessés dans une de ses cliniques située près du site d'un supposé massacre de Rohingyas démenti par le gouvernement.

Le porte-parole du gouvernement régional de l'État de Rakhine a annoncé plus tôt vendredi que les opérations de MSF dans la région étaient suspendues depuis mercredi en raison de l'expiration de sa licence.

«Ils pourraient reprendre leur travail», a précisé Win Myaing à l'AFP, niant tout lien avec les récentes manifestations contre l'organisation.

MSF, qui a été accusée de préférence envers les Rohingyas, a de son côté assuré être «guidée par l'éthique médicale et les principes de neutralité et d'impartialité».

L'ambassade américaine à Rangoun a, elle, appelé à un accès sans restriction de l'aide humanitaire.

«Les États-Unis encouragent (la Birmanie) à continuer à travailler avec la communauté internationale pour fournir de l'aide humanitaire aux communautés dans le besoin et à assurer un accès sans entrave des agences humanitaires, en accord avec les normes internationales», a-t-elle déclaré dans un communiqué.

«Un accès libre, régulier et ouvert est nécessaire pour assurer que les bénéfices des activités humanitaires parviennent à tous dans l'État de Rakhine», selon l'ambassade.

La situation reste très tendue dans l'État de Rakhine depuis deux vagues de violences entre Rohingyas et bouddhistes de la minorité rakhine qui avaient fait en 2012 plus de 200 morts et 140 000 déplacés, en majorité des musulmans.

L'ONU avait indiqué en janvier avoir des «informations crédibles» concernant de nouvelles attaques contre des Rohingyas qui auraient fait des dizaines de morts.

Les autorités birmanes ont nié avec force ces accusations, assurant qu'aucun civil n'avait été tué, mais ont indiqué qu'un policier, disparu, était présumé mort.

Le gouvernement a lancé une enquête sur ces événements, mais les Nations unies ont émis des doutes sur son impartialité.

Quelque 800 000 Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète, vivent dans cette région à la frontière avec le Bangladesh.