Les manifestants qui réclament depuis des mois la chute de la première ministre thaïlandaise ont à nouveau bloqué lundi le siège du gouvernement, pendant que des riziculteurs en colère assiégeaient un autre bâtiment officiel.

«Yingluck n'aura aucune chance de travailler à nouveau à Government House», a promis devant les manifestants Suthep Thaugsuban, meneur du mouvement qui veut la tête de la première ministre Yingluck Shinawatra.

Selon un photographe de l'AFP, les protestataires ont commencé à construire un mur de ciment devant les grilles du siège du gouvernement où Yingluck et ses ministres n'ont pu se réunir depuis près de deux mois.

Vendredi, des centaines de policiers antiémeute avaient dégagé les tentes des manifestants autour de Government House. Mais immédiatement après cette intervention qui n'a conduit ni à de réels affrontements ni à des arrestations, les militants étaient revenus reconstruire leurs barricades.

L'opération a semblé marquer un changement de stratégie du gouvernement qui a depuis le début de la crise privilégié l'évitement entre police et manifestants pour limiter les violences qui ont déjà fait onze morts.

Mais alors que les autorités ont également annoncé la reprise d'autres sites occupés dans la capitale placée sous état d'urgence, elles ont depuis privilégié les négociations avec les manifestants, pour l'instant sans résultat.

Les autorités visent pour l'instant des sites autour de bâtiments officiels, et non les campements installés à des carrefours clés de la capitale depuis le lancement mi-janvier de l'opération de «paralysie» de Bangkok.

Les manifestants, dont le nombre s'est largement réduit ces dernières semaines, réclament depuis plus de trois mois, outre la tête de Yingluck, la fin de l'influence de son frère Thaksin, ancien premier ministre renversé par un coup d'État en 2006 et accusé de tirer les ficelles depuis son exil.

La Thaïlande est engluée depuis ce putsch dans des crises politiques à répétition faisant descendre dans la rue tour à tour les ennemis et les partisans de Thaksin.

Les législatives anticipées du 2 février n'ont pas réussi à faire sortir le pays de l'impasse.

Les manifestants, qui veulent remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu, ont en effet fortement perturbé le scrutin et aucun résultat n'a été annoncé en attendant deux nouvelles journées de vote fin avril.

Yingluck fait d'autre part face à la grogne de riziculteurs qui n'ont pas été payés depuis plusieurs mois pour les récoltes vendues au gouvernement dans le cadre d'un programme de subventions controversé qui a, selon ses détracteurs, fait perdre à la Thaïlande sa place de premier exportateur mondial de la céréale.

Des centaines d'entre eux ont pénétré dans l'enceinte d'un complexe du ministère de la Défense dans la banlieue de Bangkok, régulièrement utilisé par Yingluck ces dernières semaines.

Ils n'ont toutefois pas tenté de pénétrer dans les bâtiments et la présence de la première ministre sur le site n'a pas été confirmée.

En fin de journée, après une rencontre avec le ministre des Finances Kittirat Na-Ranong, ils ont quitté le site, avant une nouvelle manifestation prévue mercredi.

«Nous avons commencé à payer les paysans aujourd'hui», a assuré le ministre, indiquant qu'il faudrait 6 à 8 semaines pour payer près de 3,8 milliards de dollars dus aux riziculteurs, sans préciser où le gouvernement allait trouver l'argent.

Alors que les experts s'inquiètent de l'impact de la crise sur l'économie, le gouvernement a d'autre part révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2014, entre 3 et 4 %, avec un ralentissement de la croissance au quatrième trimestre 2013.