L'opposition a lancé mardi une nouvelle attaque contre le gouvernement thaïlandais, cette fois sur le front judiciaire, au lendemain d'une mise en garde des États-Unis contre un nouveau coup d'État dans un royaume secoué depuis trois mois par une crise politique.

L'avocat du Parti démocrate Virat Kalayasiri a annoncé avoir déposé mardi auprès de la Cour constitutionnelle une demande d'invalidation des législatives de dimanche dernier, boycottées par les démocrates, et la dissolution du parti Puea Thai au pouvoir.

La requête réclame également l'interdiction de vie politique des dirigeants du Puea Thai pour cinq ans, a-t-il précisé.

La première ministre Yingluck Shinawatra fait face depuis l'automne à un mouvement de rue réclamant sa tête et la fin de l'influence de son frère Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État en 2006 et accusé de tirer les ficelles du pouvoir depuis son exil.

Pour tenter de sortir d'une crise politique qui a déjà fait au moins dix morts, Yingluck a organisé des élections anticipées le 2 février, mais les manifestants ont empêché le déroulement du scrutin dans 10 % des bureaux de vote.

Ces derniers veulent remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu.

Dans ces conditions exceptionnelles, les résultats pourraient ne pas être connus avant des semaines, voire des mois, prolongeant le mandat d'un gouvernement qui ne peut qu'expédier les affaires courantes.

Selon les experts, ce gouvernement sera ainsi d'autant plus vulnérable à une intervention de la justice, qui a déjà eu un rôle important dans l'histoire politique récente.

Pour justifier sa demande d'invalidation du scrutin, l'avocat des démocrates a notamment souligné qu'en raison du vote impossible dans plusieurs circonscriptions, le scrutin ne pourrait se dérouler «sur une journée».

«C'était une tentative de prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle», a-t-il ajouté.

Ce nouvel épisode d'une crise qui met en lumière les divisions profondes de la société entre partisans et ennemis de Thaksin intervient alors que la situation dans le royaume inquiète la communauté internationale.

«Nous ne voulons certainement pas voir, en aucun cas, de coup d'État ou de violence», ont ainsi déclaré lundi les États-Unis, alliés militaires de Bangkok. Les analystes jugent toutefois plus probable un coup d'État judiciaire que militaire.

L'ONU s'est de son côté inquiétée mardi des risques «de nouveaux épisodes de grave violence et de confrontations armées».

«Jeu politique»

Le Puea Thai au pouvoir a de son côté dénoncé la procédure lancée par l'opposition.

«C'est un jeu politique pour discréditer le Puea Thai et le gouvernement», a déclaré son porte-parole Prompong Nopparit.

Il a également indiqué qu'une demande de dissolution du Parti démocrate allait aussi être déposée parce qu'il a permis à «plusieurs de ses membres d'être sur scène» aux côtés des manifestants qui visent «clairement à renverser la démocratie».

En 2006, la justice avait annulé les législatives déjà boycottées par les démocrates, ajoutant à l'instabilité politique qui avait finalement conduit au putsch contre Thaksin, avant la date prévue du nouveau scrutin.

Ce n'est pas la première fois non plus que les démocrates demandent la dissolution du Puea Thai depuis la victoire écrasante de ce dernier aux élections de 2011. Mais la justice n'a jusqu'ici pas donné suite à ces requêtes.

En revanche, les deux précédents partis pro-Thaksin avaient été dissous par la Cour constitutionnelle : le Thai Rak Thai en 2007 et le Parti du pouvoir du peuple (PPP) en décembre 2008.

La justice avait alors également forcé le premier ministre Somchai Whongsawat, beau-frère de Thaksin, à quitter son poste, permettant l'arrivée au pouvoir d'Abhisit Vejjajiva, leader des démocrates.

En théorie, une dissolution du Puea Thai ne conduirait pas cette fois automatiquement à la destitution de Yingluck, le parti ayant pris soin de ne pas la nommer dans son équipe de direction.

La première ministre est d'autre part visée par une enquête de la puissante commission anticorruption en lien avec un programme controversé d'aide aux riziculteurs.

Et des dizaines d'élus du Puea Thai sont sous la menace d'une interdiction de vie politique pour cinq ans après une tentative ratée d'amender la constitution pour faire du sénat une assemblée entièrement élue.