Des manifestants en Thaïlande ont poursuivi leur mouvement lundi en promettant de faire tomber le gouvernement, au lendemain de législatives en partie boycottées et qui ont provoqué une mise en garde des États-Unis contre un éventuel coup d'État.

Des centaines de manifestants à Bangkok ont emboîté le pas de leur meneur Suthep Thaugsuban, pour affirmer que le scrutin n'entamait pas leur détermination à chasser la Première ministre Yingluck Shinawatra. Ils l'accusent d'être une marionnette de son frère Thaksin Shinawatra, qu'ils haïssent. L'ancien chef de gouvernement, qui vit en exil depuis son renversement par un coup d'État en septembre 2006, divise encore profondément la société thaïlandaise.

Au lendemain d'élections anticipées, aucun résultat, même partiel, n'a été publié par la Commission électorale, confrontée à une perturbation sans précédent du scrutin par une partie de l'opposition. Des manifestants ont empêché l'acheminement des bulletins et ainsi forcé 10 000 bureaux de vote (soit 10% de l'ensemble) à garder porte close dimanche.

La commission a toutefois donné un taux de participation de 45,84% des 44,6 millions d'électeurs inscrits dans des circonscriptions du royaume où le vote a pu se tenir.

«Les gens avaient peur. Et quand les gens ont peur, ils ne vont pas voter», a commenté Janjira Sombatpoonsiri, politologue à l'université Thammasat de Bangkok.

Les images d'une violente bataille de rue aux armes à feu entre pro et antigouvernement samedi à Bangkok avaient notamment été largement diffusées.

Invalider les élections

Mais pour les manifestants, il n'y a aucun doute, «cette élection doit être invalidée», a plaidé leur porte-parole Akanat Promphan.

Abhisit Vejjajiva, chef du Parti démocrate, principale formation de l'opposition qui boycottait le scrutin, a confirmé préparer un recours en justice contre des élections «illégitimes» qui «ne reflètent pas l'intention de la Constitution ou du peuple».

Le parti au pouvoir, le Puea Thai, grand favori, a insisté sur le fait que le vote avait pu être organisé sans encombre dans une grande partie du pays, après trois mois d'une crise qui a fait au moins dix morts. «Cela montre que la moitié de la population veut la démocratie et veut un Parlement formé par la majorité», a commenté son porte-parole Prompong Nopparit.

Le ministre du Travail Chalerm Yubamrung, chargé de l'application de l'état d'urgence à Bangkok, a lui prédit une victoire du Puea Thai avec «entre 265 et 289 sièges». Aux législatives de 2011, le Puea Thai avait déjà remporté la majorité absolue des 500 sièges.

La plus grande incertitude planait sur la suite des évènements, notamment sur l'organisation d'un nouveau vote pour les électeurs qui en ont été privés dimanche.

Les résultats pourraient prendre des semaines, voire des mois, avant d'être publiés. Dans tous les cas, le Parlement ne peut pas se réunir faute d'un quorum de 95% des 500 députés, le vote n'ayant pu se tenir dans de nombreuses circonscriptions.

Et un scrutin de remplacement est prévu le 23 février pour les quelque 440 000 électeurs déjà empêchés de mettre leur bulletin dans l'urne lors du vote par anticipation une semaine plus tôt.

Les États-Unis redoutent un coup d'État

Face aux incertitudes politiques, les États-Unis, alliés militaires de Bangkok, ont pour la première fois en trois mois de crise dit qu'ils «ne voulaient pas voir, en aucun cas, de coup d'État ou de violence» en Thaïlande.

«Nous parlons directement à toutes les composantes de la société thaïlandaise pour leur dire clairement qu'il est important d'aplanir les différends politiques par des moyens démocratiques et constitutionnels», a insisté la porte-parole du département d'État Jennifer Psaki, interrogée sur une éventuelle intervention des influentes forces armées thaïlandaises.

Malgré les promesses de continuer le mouvement, la mobilisation des opposants qui réclament le remplacement du gouvernement par un «conseil du peuple» non élu s'est toutefois essoufflée.

De dizaines, voire centaines, de milliers au pic du mouvement, ils n'étaient que des centaines lundi à défiler, afin aussi de récolter de l'argent auprès des passants, comme Suthep l'a fait régulièrement ces dernières semaines, même si, selon des analystes, il bénéficie d'importants soutiens financiers.

Les protestataires, alliance hétéroclite des élites de Bangkok, d'ultra-royalistes et d'habitants du sud, ont même annoncé le démantèlement de certains de leurs sites installés mi-janvier à des carrefours stratégiques pour leur opération de «paralysie» de Bangkok.