Les manifestants ont fortement perturbé le vote anticipé organisé dimanche en Thaïlande, obligeant à la fermeture de dizaines de bureaux de vote, tandis qu'un de leurs meneurs a été tué par balle, à une semaine de législatives de plus en plus compromises.

Des violences se sont produites dans l'après-midi: un meneur des manifestations a été abattu alors qu'il parlait à la foule depuis une camionnette près d'un bureau de vote, a annoncé l'opposition.

Les secouristes ont confirmé qu'un homme avait été tué par balle et neuf autres personnes blessées.

L'orateur tué est un des chefs de file de la Dhamma Army, un des groupes les plus jusqu'au-boutistes de la mouvance anti-gouvernementale organisée autour de Suthep Thaugsuban.

Ce nouvel incident meurtrier porte à dix le nombre de morts depuis le début de la crise il y a près de trois mois et compromet un peu plus les chances d'organiser le scrutin dimanche prochain.

Rien qu'à Bangkok, pas moins de 45 des 50 bureaux de vote ont dû être fermés par la commission électorale, en raison du siège des bâtiments par les manifestants.

Et des dizaines ont été empêchés de fonctionner à travers le pays, notamment dans le sud, fief de l'opposition.

Celle-ci boycotte le scrutin proposé comme une sortie de crise, après des semaines de manifestations quasi quotidiennes à Bangkok, allant jusqu'à un blocage de la circulation dans certains quartiers.

«Je suis ici pour empêcher les gens de voter», s'est justifié de son côté Amornchock, manifestant de 64 ans bloquant un bureau de vote de la capitale, comme quelque 2500 manifestants selon la police.

«Je ne suis pas opposé à la démocratie, je ne suis pas contre des élections, mais elles doivent être justes», a ajouté Amornchock, reprenant l'idée de l'opposition de repousser les élections, le temps de réformes, avec un «conseil du peuple» non élu au pouvoir dans l'intervalle.

Voter pour «protéger mes droits»

Devant un bureau de vote de Bangkok, une dizaine d'aspirants électeurs disaient leur frustration. «Je suis venu pour protéger mes droits», a expliqué parmi eux à l'AFP Vipa Yoteepitak, 75 ans.

«Nous ne pouvons pas laisser faire. Si nous ne nous battons pas aujourd'hui, nous perdrons nos droits», a-t-elle ajouté, fulminant de n'avoir pu exercer son droit de vote.

Comme elle, plus de deux millions d'électeurs (sur un total de plus de 49 millions) s'étaient portés volontaires pour voter avec une semaine d'avance, dans le cadre de ces législatives proposées par la première ministre Yingluck Shinawatra pour tenter de mettre fin à une crise politique qui s'éternise.

Au-delà de la première ministre actuelle, est visé son frère, Thaksin Shinawatra, lui même ex-premier ministre victime d'un coup d'État en 2006, et en exil pour échapper à des poursuites pour malversations. L'opposition l'accuse de continuer à diriger le pays, à travers sa soeur.

La procédure de vote par anticipation, prévue pour les électeurs ne pouvant pas se déplacer dimanche prochain, était vue comme un test.

Le meneur des manifestants Suthep Thaugsuban avait promis que ses partisans n'empêcheraient pas les électeurs de pénétrer dans les bureaux de vote, mais tenteraient de les «persuader» de leur erreur.

La présence de ses partisans autour des bureaux de vote est néanmoins en elle même «la porte ouverte à une forme d'intimidation des électeurs», analyse quant à lui Sunai Phasuk, de l'ONG Human Rights Watch.

Yingluck Shinawatra, qui a dissous le Parlement pour tenter d'apaiser les manifestants, refuse quant à elle de démissionner pour laisser sa place à un «conseil du peuple» réclamé par les manifestants.

La première ministre doit rencontrer la Commission électorale mardi, et pourrait être contrainte d'annoncer un report du scrutin.

Les partisans de Suthep, qui réclament la tête de la première ministre, à grand renfort de manifestations parfois violentes, exigent que les législatives soient repoussées d'au moins un an. Leur proposition d'un conseil du peuple non élu pour assurer l'intérim a suscité des craintes quant à leurs intentions démocratiques.

Si elles ont lieu, les élections ont néanmoins toutes les chances d'être remportées par le parti Puea Thai au pouvoir, le principal parti d'opposition, le Parti démocrate, ayant fait le choix du boycottage.