Les opposants de la première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra ont lancé hier leur plan d'action visant à faire «fermer Bangkok». Plus de 80 000 manifestants ont occupé des carrefours stratégiques de la capitale, sous l'oeil attentif de 15 000 militaires et policiers déployés pour maintenir l'ordre. Il s'agit de la dernière d'une série de manifestations qui ont fait 8 morts et près de 500 blessés depuis le mois de novembre. Portrait du conflit, en trois couleurs de chemise.

Chemises jaunes

Ce sont eux qui manifestent et réclament le départ de la première ministre Shinawatra. Ils l'accusent de gouverner selon les volontés de son frère, l'ex-premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé dans un coup d'État en 2006, et aujourd'hui en exil. Les chemises jaunes sont issues des villes, des groupes de la classe moyenne et des groupes étudiants. Leur projet de «fermer Bangkok», qui débutait hier, doit s'étendre sur un mois, durant lequel les manifestants ont promis d'entourer la demeure de la première ministre ainsi que celles de plusieurs ministres, et d'y couper l'alimentation en électricité et en eau. Hier, ils avaient avec eux des tentes et du matériel de cuisson, ce qui semble indiquer qu'ils comptent occuper le centre-ville pendant longtemps.

«Les manifestants sont passionnés par leur cause, mais ils n'ont pas l'appui de la majorité de la population, explique Erik Kuhonta, professeur au département de sciences politiques de l'Université McGill. Ils veulent qu'un gouvernement par intérim soit mis en place, parce qu'ils savent bien que, dans un scrutin populaire, ils perdraient.»

Leur chef, l'ancien parlementaire Suthep Thaugsuban, est accusé d'avoir ordonné des attaques mortelles contre des chemises rouges, en 2010, quand il faisait partie du gouvernement.

Chemises rouges

Partisans de l'ex-premier ministre Thaksin Shinawatra, dont la soeur, Yingluck, est l'actuelle première ministre. Renversé en 2006 dans un coup d'État soutenu par l'armée, Thaksin Shinawatra vit aujourd'hui en exil, mais demeure une force politique en Thaïlande. Élue grâce au vote des campagnes, sa soeur, Yingluck Shinawatra, 46 ans, n'a pas d'expérience de la vie publique: elle s'est lancée en politique deux mois avant les élections de 2011 - élections qu'elle a remportées haut la main. Devant la crise politique actuelle, Shinawatra a appelé à la tenue d'élections le 2 février, mais l'opposition menace de boycotter le processus.

Quant à Thaksin Shinawatra, il refuse de rentrer en Thaïlande, où un tribunal l'a condamné à deux ans de prison pour abus de pouvoir, et où il est accusé d'avoir détourné des milliards de dollars durant ses années à la tête du pays - ce qu'il a toujours nié. Il aurait trouvé refuge à Dubaï.

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Les chemises rouges regroupent les partisans du frère de la première ministre Yingluck, l'ex-premier ministre Thaksin Shinawatra.

Chemises blanches

Nouveaux venus sur la scène politique thaïlandaise, les chemises blanches, qui se disent neutres, sont dans la rue pour demander à l'opposition de respecter leur vote. Ces opposants disent vouloir remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu, ce qui suscite des craintes quant à leurs aspirations démocratiques.

«La situation en Thaïlande est tendue, volatile et imprévisible, a déclaré vendredi Isabelle Arradon, porte-parole du groupe de défense des droits de l'homme Amnistie internationale. Il y a un risque réel de perte de vie humaine et de blessure tant que les droits humains ne sont pas entièrement respectés.»

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Pour leur part, les chemises blanches se disent neutres.