L'Inde a demandé vendredi aux États-Unis de rappeler un diplomate de leur ambassade à New Delhi, nouvelle mesure de rétorsion dans une mini-crise diplomatique née de l'arrestation d'une consule indienne à New York qui semblait pourtant en voie de résolution.

L'arrestation et la fouille au corps de la consule générale adjointe Devyani Khobragade le 12 décembre, soupçonnée d'avoir menti sur le statut de son employée de maison indienne, avait déclenché l'indignation des autorités indiennes, jugeant ce traitement déplacé.

Après plus d'un mois de tensions, la consule a été inculpée jeudi pour fraude au visa et fausse déclaration, mais elle avait obtenu peu avant de Washington une immunité diplomatique totale lui permettant de repartir pour son pays, ce qui laissait présager un apaisement des tensions.

L'affaire pourrait prendre un nouveau tour acrimonieux puisque New Delhi a exigé vendredi le retrait d'un diplomate de leur ambassade dans la capitale indienne, soupçonné d'avoir aidé la famille de l'employée de maison indienne à se rendre aux États-Unis où elle est sous protection judiciaire.

«Il semble que cette personne a été associée (...) au processus», a dit cette source.

La justice américaine accuse la consule indienne d'avoir sous-payé et exploité son employée de maison Sangeeta Richards, et d'avoir menti et produit de faux documents pour que celle-ci obtienne un visa de travail.

Le traitement subi par la consule, arrêtée alors qu'elle déposait ses deux enfants à l'école et fouillée jusque dans ses «cavités corporelles», avait poussé New Delhi à prendre une série de mesures de rétorsion.

L'Inde a ainsi enlevé les barrières de sécurité devant l'ambassade américaine de New Delhi, a demandé les contrats des employés de maison des diplomates américains en Inde et bloqué les importations d'alcool destiné à l'ambassade américaine.

Mercredi, New Delhi avait décidé d'empêcher les non-diplomates de pouvoir utiliser les installations culturelles et sportives de l'ambassade américaine et toutes les visites de responsables américains en Inde avaient été annulées.

Un coup au partenariat stratégique

Cette affaire a porté un coup à l'entente entre les deux pays qui se qualifient pourtant mutuellement de partenaire stratégique.

Les États-Unis, sous Georges W. Bush puis Barack Obama, ont misé sur une amélioration des relations avec l'Inde, destinée à contrebalancer l'influence chinoise en Asie.

L'Inde a obtenu le soutien américain pour l'accès aux technologies nucléaires étrangères et Washington est devenu un fournisseur important d'armes pour Delhi.

«Les deux pays doivent maintenant tenter de recoller les morceaux et remettre leur partenariat sur les rails», estime l'ancien secrétaire d'État indien aux Affaires étrangères, Lalit Mansingh, auprès de l'AFP.

Ce différend a mis en lumière les différences dans les valeurs de chacun des deux pays.

La diplomate indienne a été considérée dans son pays comme la victime d'un traitement inapproprié vécu comme une humiliation. Peu d'employés de maison ont un contrat en Inde et nombre d'entre eux subissent de mauvais traitements.

Les États-Unis ont, à l'opposé, montré peu d'indulgence pour une femme soupçonnée d'avoir exploité une employée indienne vulnérable et d'avoir menti pour pouvoir l'emmener sur le sol américain.

L'acte d'accusation rendu public jeudi accuse Mme Khobragade, qui avait gardé le passeport de Sangeeta Richards, de l'avoir «illégalement sous-payée et exploitée».

La consule est accusée d'avoir envoyé en novembre 2012 une demande de visa pour cette employée de maison, stipulant qu'elle serait payée 4500 $ mensuels.

De fait, elle avait déjà convenu en Inde avec elle qu'elle serait payée, pour travailler de 37,5 à 41,5 heures par semaine, 30 000 roupies mensuelles (environ 573 $), très en dessous du salaire minimum légal aux États-Unis.

Mais pour qu'elle puisse obtenir un visa, elle lui avait fabriqué un faux contrat de travail à destination des autorités américaines, respectant la législation du travail et avait demandé à Sangeeta Richards de mentir sur son salaire lors de son entretien pour obtenir son visa.

Une fois arrivée aux États-Unis, l'employée avait dû travailler souvent plus de 100 heures par semaine, sans journée de repos, soit pour un peu plus d'un dollar de l'heure.