Le Bangladesh s'enfonçait dans la crise lundi au lendemain de législatives boycottées par l'opposition et endeuillées par une nouvelle flambée de violences, alors que la grève générale a été reconduite.

Le résultat du scrutin ne faisait aucun doute, l'Awami League au pouvoir, et ses alliés, se présentant sans adversaires dans 153 circonscriptions sur 300.

Le parti de la première ministre Sheikh Hasina Wajed a remporté au moins 86 des 147 sièges restants sur 116 dont les résultats étaient connus lundi matin, ses alliés ou des indépendants s'adjugeant la différence.

Mais la mort d'au moins 18 personnes dans des émeutes qui auront vu des milliers de manifestants attaquer des centaines de bureaux de vote, saccagés ou détruits par le feu, élargit la fracture politique dans cette jeune démocratie qui a connu une vingtaine de coups d'État depuis son indépendance en 1971.

Le populaire Daily Star a déploré l'élection la plus sanglante de l'histoire du pays et proclamé «la victoire sans substance» de l'Awami League «qui ne lui donne ni mandat ni légitimité éthique pour gouverner».

L'opposition a décidé dimanche d'appeler à une reconduite de la grève générale jusqu'à mercredi pour protester contre «la farce électorale» et la répression qui a fait, selon elle, 22 morts dans ses rangs.

«Nous avons appelé à la grève pour que le gouvernement annule cette farce électorale», a déclaré à l'AFP Sayrul Kabir, porte-parole du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale des 21 formations d'opposition.

«Nous protestons également contre la mort de 22 de nos militants tués par la police aujourd'hui», a-t-il ajouté.

Risque d'isolement international

Le quotidien New Age a appelé lundi le pouvoir au compromis, estimant que son «intransigeance» finirait par avoir des conséquences catastrophiques.

«Le pays pourrait subir la colère de la communauté et des organismes internationaux, et même se retrouver isolé, économiquement, diplomatiquement», a-t-il mis en garde.

Avant l'élection, les États-Unis, le Commonwealth et l'Union européenne s'étaient dit vivement préoccupés par le risque d'embrasement dans ce pays de 154 millions d'habitants, le huitième le plus peuplé du monde.

Ils avaient renoncé à envoyer des observateurs, estimant que les conditions d'un scrutin libre et transparent n'étaient pas réunies.

Le BNP réclamait la mise en place d'un gouvernement neutre et provisoire avant l'organisation d'élections, comme ce fut le cas dans le passé, mais le gouvernement a refusé.

L'entourage de Sheikh Hasina la dit ouverte au dialogue, mais la chef de file de l'opposition, sa rivale historique Khaleda Zia, ex-première ministre, est en résidence surveillée depuis plus d'une semaine.

La menace extrémiste

Le Bangladesh a connu cette année les violences les plus meurtrières depuis sa création en 1971 à la suite de son indépendance du Pakistan. Selon une ONG, elles auraient fait jusqu'à 500 morts, dont 150 depuis le début au mois d'octobre des grèves, des manifestations et des blocages organisés par l'opposition pour obtenir l'annulation du scrutin.

Des dizaines de milliers de soldats avaient été mobilisés pour assurer la sécurité pendant l'élection, mais le bilan est lourd puisque pas moins de 200 bureaux de vote ont été vandalisés et au moins 18 personnes ont été tuées, selon un bilan provisoire de la police.

Deux des personnes tuées ont été battues à mort en protégeant les bureaux de vote dans des districts du nord du pays où l'opposition nationaliste est très implantée.

Les autres victimes fatales de ces heurts sont des militants de l'opposition abattus par les forces de l'ordre et un chauffeur de camion qui a péri dans son véhicule incendié par des assaillants.

Le scrutin a été annulé ou suspendu dans au moins 436 des 18 000 bureaux, selon la commission électorale.

Les observateurs craignent désormais une inflation de violence après ces élections et certains prédisent une montée de l'extrémisme religieux dans ce pays musulman où il n'a jamais eu vraiment prise jusqu'ici.