Un homme a ouvert le feu sur un camp de manifestants samedi à Bangkok, non loin du siège du gouvernement thaïlandais, faisant un mort, dernier épisode violent d'une crise politique sans fin.

Le bilan s'élève désormais à huit personnes tuées en marge des manifestations, la plupart du temps dans des circonstances troubles comme lors de cette dernière attaque. Au total, quelque 400 personnes ont été blessées depuis début décembre, certaines par balles, dont des journalistes.

Trois autres personnes ont été blessées dans cette dernière attaque, ont précisé les secours.

L'assaillant a pu s'enfuir. En Thaïlande, l'intervention d'un tireur non identifié, mettant de l'huile sur le feu en cas de crise, n'a rien d'une première, les deux camps s'accusant généralement ensuite mutuellement de cette provocation.

Akanat Promphan, porte-parole des manifestants, a dénoncé «une tentative d'inciter à la violence et à la haine». «Nous allons renforcer les mesures de sécurité à tous nos points de contrôle», a-t-il ajouté. Le manifestant tué faisait partie du service de sécurité des manifestants.

Survenue avant l'aube, cette attaque intervient deux jours après une dernière poussée de violences qui avait fait deux morts (un policier et un manifestant) et plus de 150 blessés, quand les manifestants avaient tenté de prendre le stade de Bangkok où avaient lieu les inscriptions des candidats aux prochaines législatives.

Elle met un peu plus sur la sellette la première ministre Yingluck Shinawatra, face à une mobilisation qui ne faiblit pas -malgré une pause attendue à l'occasion des fêtes du Nouvel An- et a mobilisé récemment jusqu'à plus de 150.000 manifestants par jour.

Depuis deux mois, les manifestants réclament son départ, l'accusant d'être la marionnette de son frère Thaksin, lui-même ex-Premier ministre, en exil après un coup d'État contre lui en 2006.

Les manifestants, coalitions disparates de membres des élites de Bangkok et de cultivateurs pauvres du sud du pays, ont comme point de ralliement leur haine de Thaksin et de son «régime», symbole de corruption généralisée, dans une société profondément divisée entre pro et anti-Thaksin.

Ils sont allés jusqu'à occuper des ministères et le complexe du siège du gouvernement, celui-ci jouant jusqu'ici la carte de la tolérance.

Créer un chaos politique

L'opposition, qui a démissionné en bloc du Parlement, acculant la première ministre à une dissolution, est accusée de vouloir recréer une situation similaire à celle de 2006, quand l'armée était intervenue après des mois de chaos politique.

Avec son refus de participer aux législatives anticipées fixées au 2 février 2014, le Parti démocrate, principale formation d'opposition, joue en effet la carte de la radicalité, refusant toutes les médiations proposées.

Dans la rue aujourd'hui restent les plus radicaux, comme ceux qui ont attaqué jeudi le stade où se trouvaient les responsables de la commission électorale pour l'enregistrement des candidatures aux élections, les forçant à fuir par hélicoptère.

Samedi, dans plusieurs provinces du sud de la Thaïlande, fief de l'opposition, les manifestants ont empêché l'enregistrement des candidats.

Les manifestants réclament le remplacement du gouvernement par un «conseil du peuple» non élu, pendant 18 mois, avant d'envisager de nouvelles élections. Un programme qui suscite des inquiétudes quant à leurs visées démocratiques.

La crise actuelle est la pire depuis 2010, lorsque 100 000 «chemises rouges» fidèles à Thaksin avaient occupé le centre de Bangkok pendant deux mois, avant un assaut de l'armée (plus de 90 morts et 1900 blessés).

La grande inconnue reste la réaction de l'armée, dans un pays aux 18 coups d'État ou tentatives depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1932.

Très affaibli à 86 ans, le roi Bhumibol Adulyadej a plaidé début décembre la «stabilité» du pays, mais n'est pas intervenu depuis.

Et si les généraux semblent jusqu'ici réticents à intervenir, le général Prayut Chan-O-Cha, puissant chef de l'armée de terre, a joué les sphinx vendredi.

«La porte n'est ni ouverte ni fermée. Tout peut arriver», a-t-il dit, interrogé sur la possibilité d'un coup d'État.

Nattawut Saikuar, meneur des «chemises rouges», mouvement pro-pouvoir capable de mobiliser des dizaines de milliers de manifestants, a appelé samedi le général à «tenir sa promesse» de ne pas tenter de coup d'État.

«Nous avons fermé toutes les portes permettant un coup d'Etat et ne permettrons pas qu'elles soient rouvertes», a-t-il menacé.