Le secrétaire d'État américain John Kerry a exprimé mercredi ses «regrets» à l'Inde, ulcérée par les conditions de l'arrestation à New York d'une de ses diplomates qui a été notamment fouillée au corps.

Depuis le début de la semaine, les États-Unis s'emploient à apaiser la colère de l'Inde, où les autorités et les médias jurent de «redonner sa dignité» à leur consule générale adjointe à New York, Devyani Khobragade. Elle avait été arrêtée le 12 décembre et menottée alors qu'elle déposait ses enfants à l'école et a elle-même révélé -- et la police fédérale américaine l'a confirmé -- avoir été «fouillée au niveau des cavités corporelles».

Face à la mini-crise diplomatique entre les deux puissances, qui se sont pourtant rapprochées de manière spectaculaire en une décennie, M. Kerry a téléphoné au conseiller à la sécurité nationale indien Shivshankar Menon, a indiqué le département d'État.

«Dans sa conversation, il a exprimé son regret, ainsi que son inquiétude, (pour) que nous ne laissions pas cet incident public malheureux affecter notre relation étroite et vitale avec l'Inde», selon le communiqué de la diplomatie américaine.

Le département d'État ne mentionne pas explicitement les conditions précises de l'arrestation et du placement en détention pour quelques heures jeudi à New York de Mme Khobragade. Elle est soupçonnée d'avoir sous-payé une employée de maison, elle aussi indienne, et d'avoir menti sur son visa.

«Comme père de deux filles du même âge que Devyani Khobragade (39 ans, ndlr) le secrétaire d'État a fait part de son empathie devant l'émotion qui nous revient d'Inde quant au déroulement des faits après l'arrestation de Mme Khobragade», selon Washington.

Il est important, a souligné John Kerry auprès de son interlocuteur, que «les diplomates étrangers aux États-Unis se voient accorder du respect et de la dignité, identiques à ce que nous escomptons pour nos diplomates en poste à l'étranger».

Mais, a-t-il prévenu, les autorités américaines doivent «faire appliquer la loi et protéger les victimes» et les «lois doivent être respectées par tout le monde ici dans notre pays».

D'après le département d'État, la consule indienne ne bénéficie que d'une «immunité consulaire» et uniquement dans le cadre de ses fonctions.

Le ministère américain a aussi révélé avoir averti en septembre l'ambassade de l'Inde à Washington qu'un «ressortissant indien avait proféré des accusations de mauvais traitements qui auraient été commis par la consule générale adjointe de l'Inde à New York».

La Maison-Blanche a également tenté de calmer New Delhi, reconnaissant qu'il s'agissait d'un dossier «sensible.

Mais l'Inde ne s'était pas calmée mercredi.

Le ministre des Affaires étrangères Salman Khurshid a promis de «ramener cette femme chez elle» et de «redonner sa dignité (...) à tout prix» à Mme Khobragade.

Mais surtout, New Delhi a pris mardi des mesures de rétorsion contre les États-Unis: elle a ordonné la restitution des cartes d'identité et badges d'aéroport facilitant la circulation des diplomates américains en Inde. Elle a également donné l'ordre de bloquer des importations de l'ambassade américaine, en particulier les alcools.

Fierté touchée

La consule indienne a elle-même raconté dans un email à ses collègues les conditions de sa mésaventure.

Elle a dit avoir invoqué en vain devant les policiers américains son immunité diplomatique pour faire cesser les fouilles au corps.

«Je dois reconnaître que j'ai fondu en larmes plusieurs fois en raison des humiliations qui m'étaient imposées comme d'être menottée de façon répétée, d'être déshabillée et fouillée au niveau des cavités corporelles et de subir des prélèvements, le tout en compagnie de criminels et de toxicomanes et en dépit du rappel de mon immunité», a-t-elle écrit.

«J'ai eu la force de retrouver mon sang froid et je suis restée digne en pensant que je devais représenter tous mes collègues et mon pays avec confiance et fierté», ajoute-t-elle.

Elle a aussi prié le gouvernement indien d'assurer sa sécurité et celle de ses enfants et de préserver la dignité des services diplomatiques indiens, «incontestablement mis à l'épreuve».

D'après des médias indiens, l'Inde a transféré Devyani Khobragade à la mission indienne aux Nations unies, mais le département d'État américain ne l'a pas confirmé.

Cette affaire touche la fierté de l'Inde, qui se considère comme une puissance mondiale émergente.

La proximité des élections législatives en mai 2014 pousse le parti du Congrès, au pouvoir, et le parti nationaliste hindou et principal parti d'opposition, le Bharatiya Janata Party (BJP), à se montrer intransigeants dans cette polémique.

Un groupe de partisans de l'organisation ultranationaliste Shiv Sena manifestait en milieu de journée devant l'ambassade à Delhi, criant des slogans anti-américains.

Photo: AP

Devyani Khobragade