La première ministre thaïlandaise s'est dite confiante mercredi dans le fait que l'armée ne chercherait pas à la renverser pour mettre fin à la crise politique malgré l'habitude des militaires de régler les conflits par la force.

Selon Yingluck Shinawatra, les généraux qui ont déposé son frère, l'ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, en 2006 savent que cela «ne résout aucun problème».

«Je ne pense pas que les militaires aient l'intention de recommencer», a-t-elle déclaré à des journalistes étrangers, dont l'AFP.

Thaksin reste, en dépit de son exil, au coeur de la politique du royaume, adoré des masses rurales et urbaines défavorisées, mais haï des élites de la capitale qui le voient comme une menace contre la monarchie et un symbole de la corruption.

Ses opposants, une alliance hétéroclite de bourgeois proches de l'opposition et de groupes ultra-royalistes emmenée par un ancien vice-premier ministre, Suthep Thaugsuban, réclament depuis plus d'un mois dans la rue le départ du gouvernement et la fin du «système Thaksin».

Ils ont appelé l'armée à les soutenir, mais les généraux sont prudemment restés dans l'ombre et le puissant chef de l'armée de terre, le général Prayut Chan-O-Cha, a déclaré la semaine dernière que la crise devait être «résolue politiquement».

Yingluck refuse de céder aux manifestants, les appelant à rentrer chez eux et à mettre fin à leur «révolution du peuple». Elle a promis de rester en place jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement à l'issue d'élections qu'elle a fixées au 2 février.

Le mouvement des «chemises rouges» pro-Thaksin lui a publiquement renouvelé son soutien mercredi et a mis en garde contre la menace de «dictature absolue», véritable épouvantail dans un pays qui a connu un coup d'État ou tentative tous les quatre ans en moyenne depuis 1932.

«Si vous choisissez le camp de Suthep, vous choisissez la dictature absolue», a prévenu leur leader, Nattawut Saikuea, lors d'une conférence de presse.

«Si vous refusez ce que fait Suthep, vous devez voter. Ce n'est pas une mission pour les "chemises rouges" uniquement, mais celle de tous les Thaïlandais», a-t-il dit.

Suthep Thaugsuban devrait se voir signifier jeudi son inculpation pour la répression sanglante des manifestations des «chemises rouges» en 2010, qui avaient fait 90 morts et 1900 blessés.

Suthep, alors vice-premier ministre, est accusé d'avoir autorisé les forces de l'ordre à tirer à balles réelles.

L'ancien premier ministre Abhisit Vejjajiva est également convoqué dans le même dossier. Mais il pourrait se retrouver seul devant la cour criminelle de Bangkok jeudi matin, les avocats de Suthep ayant l'intention de demander un report.

Les tensions restaient vives mercredi dans la capitale après plus d'un mois d'affrontements entre la police et les manifestants anti-gouvernementaux qui ont fait cinq morts et 200 blessés.

Quatre soldats tués dans un attentat dans le Sud insurrectionnel

Quatre soldats thaïlandais ont été tués et plus d'une dizaine blessés dans l'explosion mercredi d'une bombe au passage de leur convoi, dans le Sud insurrectionnel de la Thaïlande.

La bombe, de forte intensité, était dissimulée dans une bonbonne de gaz et a été activée par téléphone à distance, a annoncé à l'AFP un responsable de la police de la région de Pattani.

«Il y avait 16 soldats à bord du camion militaire», a précisé ce responsable, sous couvert de l'anonymat. Quatre sont décédés à leur arrivée à l'hôpital et sur les 12 blessés, six sont dans un état critique.

Dans un incident séparé, deux villageois musulmans de la province voisine de Yala ont été abattus mardi, a ajouté la police, sans plus de précisions.

Depuis le début en 2004 de la rébellion séparatiste dans cette région majoritairement musulmane rattachée à la Malaisie jusqu'au début du XXe siècle, plus de 5500 personnes ont été tuées, dont une majorité de civils pris pour cibles par les insurgés ou victimes collatérales d'opérations des forces de sécurité.

Les insurgés musulmans se rebellent contre ce qu'ils vivent comme une discrimination contre la population d'ethnie malaise et de religion musulmane dans un pays essentiellement bouddhiste.

Les négociations de paix commencées il y a quelques mois entre les rebelles, notamment du Barisan Revolusi Nasional (BRN, Front national révolutionnaire), et les autorités thaïlandaises, qui n'ont pas fait reculer les violences, sont au plus bas.