Les manifestants qui réclament le départ du gouvernement thaïlandais ont accentué leur pression mardi, paralysant de nouveaux ministères alors qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre l'un de leurs leaders, et que la première ministre Yingluck Shinawatra faisait face à une motion de censure au Parlement, placé sous haute sécurité.

«La foule va détruire Thaksin (...) La démocratie de Thaksin est corrompue, elle est finie», a expliqué à l'AFP au milieu de la foule occupant le ministère des Finances Thongpol Kasburana, fonctionnaire de 52 ans venu du sud du pays.

Après des semaines d'une mobilisation quasi quotidienne, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent depuis dimanche pour obtenir le départ de Yingluck Shinawatra, faisant craindre des débordements dans une capitale habituée aux violences politiques ces dernières années.

Les manifestants proclament étalement leur haine de son frère Thaksin, premier ministre renversé par un coup d'État en 2006. Le milliardaire reste, malgré son exil, le personnage le plus aimé et plus haï du royaume, divisant la société entre les masses rurales et urbaines défavorisées du nord et du nord-est, qui lui sont fidèles, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui le voient comme une menace pour la monarchie.

Le mouvement de l'opposition, le plus important depuis la crise du printemps 2010 et qui a soulevé les inquiétudes de la communauté internationale, a franchi un nouveau cap lundi lorsque des manifestants ont pénétré à l'intérieur des ministères des Finances et des Affaires étrangères.

Les manifestants ont quitté le siège de la diplomatie mardi, selon le porte-parole du ministère, mais le premier était toujours occupé par des militants menés par Suthep Thaugsuban, figure du principal parti d'opposition, le Parti démocrate.

La police a annoncé mardi un mandat d'arrêt contre Suthep pour avoir mené l'occupation du ministère des Finances.

«Je lui demande de se rendre ou bien la police pourra l'arrêter n'importe où», a précisé le colonel Sunthorn Kongklam, du commissariat de Bangsue, dont dépend la zone du ministère.

Plusieurs autres ministères, notamment ceux du Tourisme, de l'Agriculture, des Transports et de l'Intérieur, étaient encerclés mardi par des manifestants, notamment le ministère de l'Intérieur, protégé par des centaines de membres des forces de l'ordre.

«Ils ont demandé à tous les fonctionnaires de quitter leur poste et nous devons partir parce qu'ils vont couper» l'eau et l'électricité, a indiqué le ministre des Sports, Somsak Pureesrisak, à l'AFP.

Pendant ce temps, le débat sur la motion de censure se déroulait au Parlement, mais le gouvernement devrait passer ce test sans encombre, le Puea Thai au pouvoir disposant d'une confortable majorité.

«Tout le monde doit obéir à la loi et ne pas utiliser la loi de la rue pour éclipser l'État de droit», a souligné Yingluck à son arrivée au Parlement, protégé par d'imposants blocs de béton.

«Grande action» mercredi

La présence policière est renforcée depuis l'extension lundi soir à tout Bangkok d'une loi de sécurité spéciale qui donne la possibilité d'imposer un couvre-feu ou d'interdire les rassemblements.

Mais cela ne semble pas faire reculer les manifestants. Lors d'une conférence de presse au ministère des Finances occupé, ils ont promis une «grande action» pour mercredi.

«Nous occupons le ministère des Finances de manière non violente et pacifique, nos partisans à travers le pays peuvent faire pareil et occuper tous les bâtiments du gouvernement», a déclaré Akanat Promphan, s'exprimant au nom de Suthep, qui a perdu sa voix après ses harangues à la foule lundi.

La colère de l'opposition a été déclenchée par une loi d'amnistie, spécialement taillée selon eux pour Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations. Le texte a été rejeté par le Sénat, sans apaiser les manifestants.

Ce mouvement est le plus important depuis la crise du printemps 2010.

Jusqu'à 100 000 «chemises rouges» fidèles à Thaksin avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque dirigé par le chef du Parti démocrate Abhisit Vejjajiva, avant un assaut de l'armée. Cette crise, la plus grave de la Thaïlande moderne, avait fait 90 morts et 1900 blessés.

Alors que le projet d'amnistie avait également provoqué la colère des «rouges» qui réclament justice pour les morts de 2010, Yingluck peut désormais compter sur leur soutien.

«Suthep n'essaie pas de renverser le gouvernement (...). Il veut renverser la démocratie et la remplacer par une administration ultra-royaliste», a dit à l'AFP la dirigeante des «rouges» Thida Thavornseth, au moment où des milliers de «rouges» sont massés dans un stade depuis dimanche.

Par ailleurs, une grenade qui n'a pas explosé a été découverte mardi devant un local du Parti démocrate, selon la police.