Le premier ministre britannique David Cameron s'est rendu vendredi dans le nord du Sri Lanka, une visite historique dans l'ancienne zone de guerre dominée par les Tamouls qui faisait passer au second plan le début du sommet du Commonwealth.

Au grand dam des autorités sri-lankaises, M. Cameron s'est rendu dans la région de Jaffna où la rébellion tamoule fut écrasée en 2009 par l'armée.

Il est le premier dirigeant politique étranger à se rendre dans cette zone. Le Sri Lanka est une ancienne colonie britannique, appelée Ceylan, devenue indépendante en 1948.

Le gouvernement sri-lankais a jugulé en 2009 la menace séparatiste de la minorité tamoule du nord du pays. Selon l'ONU, au moins 100 000 personnes ont été tuées pendant cette guerre dont 40 000, essentiellement des Tamouls, à la fin du conflit.

À Jaffna, plusieurs femmes ayant perdu un proche dans la guerre ont tenté de se jeter sur le convoi du dirigeant britannique, agrippées à des photos de ces proches et criant «justice, justice».

M. Cameron s'est ensuite rendu dans les locaux d'un journal tamoul dont l'imprimerie a plusieurs fois été incendiée et qui a perdu cinq salariés dans des attaques depuis l'accession au pouvoir du président sri-lankais Mahinda Rakapakse en 2005.

«Je suis très marqué par cela. C'est quelque chose que l'on n'oublie pas», a dit M. Cameron en visitant les locaux où sont accrochées les photos des victimes.

Pour M.V Kaanamylnathan, rédacteur en chef du journal, cette visite va permettre de mettre en lumière la situation des Tamouls. «Tout le monde assure que tout va bien, que les Tamouls ont les mêmes droits, mais ce n'est pas vrai», dit-il à l'AFP.

Avant la guerre, l'économie de la région de Jaffna était florissante. Désormais, des immeubles en ruines et des terrains en friche constellent villes et villages de la région et 30 000 personnes continuent de vivre dans des camps de réfugiés.

Tensions avec le président sri-lankais

Le sommet du Commonwealth, qui se tient jusqu'à dimanche, devait être l'occasion pour le Sri Lanka de montrer son renouveau et l'embellie économique affichée par l'île depuis l'écrasement de la rébellion tamoule.

Le pays a affiché un taux de croissance annuel allant jusqu'à + 8,2 % et plus d'un million de touristes ont visité l'île l'an dernier, un résultat record.

Mais en refusant toute enquête internationale sur la fin du conflit en 2009, l'opération de relations publiques des dirigeants sri-lankais tourne au désastre.

Le président sri-lankais a tenté de riposter aux mises en accusation, estimant que le Commonwealth ne devait pas devenir une organisation de jugement de ses membres.

«Si le Commonwealth veut rester utile à ses membres, il doit répondre aux besoins des peuples et ne pas se transformer en une organisation punissant ou jugeant» ceux qui la composent, a-t-il dit lors d'un discours peu avant l'ouverture formelle du sommet par le prince Charles.

Il a aussi mis en garde contre toute tentative pour un pays d'imposer «un agenda bilatéral au sein de l'organisation».

Le premier ministre canadien, Stephen Harper, a été le premier à annoncer le boycottage du sommet, jugeant «l'inaction devant les graves violations des droits de la personne (...) inacceptable».

Il a été suivi par son homologue de Maurice tandis que le premier ministre indien Manmohan Singh a lui aussi refusé de se rendre à Colombo, semblant préférer ménager la minorité tamoule en Inde à l'approche des élections législatives de 2014.

Le retour à Colombo de M. Cameron risque de lui valoir un accueil glacial du président sri-lankais vendredi soir.

En Inde en milieu de semaine, M. Cameron a prévenu qu'il aurait un «dialogue serré» avec M. Rajapakse qui a en retour indiqué qu'il aurait «des questions à poser» à son homologue britannique.