Les Maldives retournent aux urnes samedi pour élire un président et sauver une jeune démocratie mise à mal par les accusations de manipulation contre l'opposition, dans un pays dont la manne touristique dépend de la stabilité.

Le premier tour de la présidentielle s'est tenu le 7 septembre, mais la Cour suprême de l'archipel l'a annulé en raison d'irrégularités supposées, alors que le scrutin semblait s'être déroulé sans incidents.

Un nouveau scrutin fixé au 19 octobre a été reporté in extremis, tous les candidats n'ayant pas approuvé les listes électorales, selon l'argumentaire de la police qui a invoqué un arrêt de la même Cour suprême.

L'ex-président des Maldives Mohamed Nasheed, qui affirme avoir été poussé à la démission l'an dernier à la suite d'une conjuration des élites, dénonce de nouvelles manoeuvres visant à le priver de la victoire.

Une analyse que partagent la plupart des chancelleries occidentales.

«Les tenants de l'ancien régime sont déterminés à empêcher Nasheed d'accéder au pouvoir», estime un diplomate basé à Colombo. «Certains craignent des représailles en cas de changement de majorité».

Premier président démocratiquement élu, en 2008, avant d'être renversé en février 2012, il était arrivé largement en tête le 7 septembre, mais avec un score insuffisant (45,45%) pour l'emporter dès le premier tour.

Son principal adversaire est Abdullah Yameen, demi-frère de Maumoon Abdul Gayoom, autocrate qui a régné sur les Maldives et ses 350 000 habitants - des musulmans sunnites - pendant 30 ans, jusqu'aux premières élections libres de 2008.

Abdullah Yameen avait recueilli 25,35% des suffrages le 7 septembre.

Arrivé en troisième position, Qasim Ibrahim est à l'origine du recours contre la façon dont s'est déroulé le scrutin de septembre. Son annulation par la Cour suprême, dont les juges sont réputés proches du clan Gayoom, lui a permis de revenir dans la course.

Menace de chaos

La commission électorale a donc annoncé une nouvelle convocation des électeurs le samedi 9 novembre pour le premier tour et réservé le 16 pour un éventuel second tour. Mais la commission électorale a finalement accepté qu'il se tienne dimanche, le cas échéant, afin d'éviter une crise constitutionnelle.

Car la constitution de 2008 stipule qu'un nouveau président doit être élu avant le 11 novembre. Elle ne prévoit aucun intérim et le pays serait menacé de chaos en cas de vacance du pouvoir.

«Le mandat de l'actuel gouvernement expire le 11 novembre, il f aut respecter le calendrier», a prévenu l'ambassade des États-Unis dans un communiqué très ferme.

Pour le secrétaire d'État au Foreign Office britannique, Hugo Swire, les recours contre les résultats de l'élection présidentielle «apparaissent de plus en plus comme des tentatives de priver les habitants des Maldives de leurs droits électoraux».

Le Canada a de son côté appelé «le gouvernement, les forces de sécurité et la justice à respecter le processus démocratique».

Mohamed Nasheed, 46 ans, espère que ces mêmes recours auront lassé la population et l'aideront à passer la barre des 50% dès le premier tour samedi.

L'élection présidentielle aurait dû mettre un terme aux tensions ayant suivi sa chute en 2012, mais tous ces soubresauts ont provoqué encore plus d'instabilité.

L'accession au pouvoir du vice-président Mohamed Waheed avait déclenché plusieurs mois de protestations et d'incidents violents qui ont un temps menacé le tourisme, secteur-clé pour le pays.

Le président renversé jouissait d'une bonne cote de popularité, à l'étranger et chez lui, grâce à ses programmes sociaux et son activisme en matière de lutte contre le réchauffement climatique --80% des îles des Maldives sont à moins d'un mètre au-dessus de l'eau--.

Mais il s'était attiré l'inimitié des riches hommes d'affaires ayant fait fortune dans le tourisme. Les Maldives ont accueilli près d'un million de visiteurs en 2012 pour un tourisme presque exclusivement haut de gamme.