Cinq personnes, dont une touriste des Philippines, sont mortes lundi à Pékin et 38 autres ont été blessées quand un véhicule a foncé sur la foule puis s'est enflammé place Tian'anmen, coeur névralgique du pouvoir en Chine, a rapporté la police.

L'événement a immédiatement déclenché une importante opération des forces de l'ordre, une vaste censure sur l'internet et un bouclage de ce quartier où le régime communiste a maté dans le sang le printemps démocratique de 1989.

L'hypothèse d'un simple accident de la circulation semblait très improbable au vu des premières constatations. Les faits soulevaient encore lundi soir de nombreuses interrogations.

«J'ai aperçu une voiture effectuer un virage et brusquement elle s'est retrouvée en train de rouler sur le trottoir. Cela s'est passé en un éclair», a relaté à l'AFP un témoin direct de la scène. «C'était vraiment terrifiant».

«J'ai entendu une explosion, vu des flammes, puis la fumée a envahi l'espace», a-t-il poursuivi, sans souhaiter donner son nom.

Le chauffeur et les deux occupants du véhicule de type 4x4 sont décédés, ainsi qu'une touriste de nationalité philippine et un touriste chinois, a indiqué le Bureau de la sécurité publique de la capitale chinoise.

Parmi les blessés figurent trois autres victimes de nationalité philippine - deux femmes et un homme -, a précisé la police. Un Japonais habitant Pékin a également été blessé et hospitalisé, selon l'ambassade nippone en Chine.

Les faits se sont déroulés vers 12 h 05 (00 h 05 à Montréal) sur cette place extrêmement surveillée jour et nuit. Après avoir renversé des dizaines de touristes et de policiers, la voiture s'est encastrée dans la rambarde d'un des ponts conduisant à Tian'anmen (qui signifie «porte de la Paix céleste»).

«Les policiers ont porté assistance aux personnes sur place, l'incendie a été éteint. Les blessés ont été évacués vers un hôpital voisin», a assuré la police.

«J'ai entendu l'avertisseur de la voiture, mais trop tard. J'ai perdu connaissance et je me suis réveillée étendue sur le sol», a raconté à un journal chinois une des Philippines hospitalisées.

L'accès à Tian'anmen a été rapidement fermé à tous les piétons.

Véhicule en feu devant le portrait de Mao

Des photographies mises en ligne - et très vite effacées par les services de la censure - ont montré un véhicule en feu surmonté d'une épaisse colonne de fumée, devant le célèbre portrait de Mao couronnant l'entrée de la Cité interdite, sur le côté nord de Tian'anmen.

Deux reporters de l'AFP qui tentaient de se rapprocher de Tian'anmen ont été interpellés et leur matériel confisqué. Ils ont ensuite été relâchés et ont pu récupérer leurs appareils, mais leurs images avaient été effacées.

Un touriste italien de 58 ans a relaté qu'il était en train de visiter la Cité interdite, palais des empereurs Ming et Qing, quand des agents ont demandé à tous les touristes de quitter les lieux.

L'incident a très vite mis en ébullition les réseaux sociaux chinois, en raison du rôle névralgique historique de Tian'anmen.

«Tian'anmen en 2013 est-il le théâtre d'une immolation par le feu?» s'est interrogé un internaute dans un microblogue. Depuis 2009, environ 120 Tibétains ont accompli ce geste désespéré pour protester contre la tutelle chinoise.

Des palissades pour cacher la vue

Selon une journaliste de l'AFP non loin de la place, les policiers ont érigé de hautes palissades pour cacher la vue vers la zone où la jeep a pris feu.

Interrogée sur le point de savoir s'il agissait d'un acte terroriste, Mme Hua Chunying, porte-parole de la diplomatie chinoise, a affirmé «ignorer le détail de ce qui s'est produit» place Tian'anmen.

«Si des personnes de nationalité étrangère sont concernées par ces faits, leur cas sera traité conformément aux lois internationales», a-t-elle déclaré.

Des centaines voire des milliers de personnes ont trouvé la mort dans l'écrasement du mouvement de 1989 aux abords de Tian'anmen, lorsque le Parti communiste avait envoyé les chars de l'armée mettre fin à sept semaines de manifestations qualifiées par le régime de «révolte contre-révolutionnaire».

D'importantes forces de sécurité sont depuis en permanence stationnées sur cette immense esplanade où se trouvent également le mausolée de Mao et le Palais du peuple.

Un Chinois avait tenté de s'immoler par le feu place Tian'anmen le 21 octobre 2011, les autorités parvenant ensuite à maintenir pendant quatre semaines le black-out sur cette information sensible.

La presse d'État chinoise avait alors affirmé qu'il s'agissait d'un geste «apolitique».

Le 23 janvier 2001, Tian'anmen avait été le théâtre d'une immolation collective de personnes présentées comme des adeptes du mouvement spirituel Falungong. La direction du Falungong avait accusé Pékin d'avoir organisé une mise en scène pour discréditer le mouvement.